Démolition https://demolition.journalintime.com/ 24 ✩ ♈ 'Therapy' "Le coeur meurtri par le mal, gonflé par le vide, Je me perds, je sombre sans comprendre la dualité ; J'essaie de tout reconstruire, de tout remonter, Alors qu'il faudrait couper mes racines fétides." fr 2023-09-18T21:29:44+02:00 https://demolition.journalintime.com/L-autre-monde L'autre monde Un peu comme après une rupture amoureuse, j'ai le coeur en mille morceaux : où est ma verve, où sont mes passions, où est ma fougue ? Je me souviens de comment je pouvais me lover dans les mots et de ce que l'écriture m'apportait - et pourtant, je ne prends plus cette peine. Je ne prends plus la peine de transformer mes pensées en prose, de coucher mes angoisses sur un papier et de m'inventer un monde parallèle où tout me protège. Et malgré mes peurs, je continue à me faire confiance ; quand j'étais enfant, je cauchemardais à l'idée de perdre mes mains - cela aurait été
Un peu comme après une rupture amoureuse, j’ai le coeur en mille morceaux : où est ma verve, où sont mes passions, où est ma fougue ?

Je me souviens de comment je pouvais me lover dans les mots et de ce que l’écriture m’apportait - et pourtant, je ne prends plus cette peine.

Je ne prends plus la peine de transformer mes pensées en prose, de coucher mes angoisses sur un papier et de m’inventer un monde parallèle où tout me protège.

Et malgré mes peurs, je continue à me faire confiance ; quand j’étais enfant, je cauchemardais à l’idée de perdre mes mains - cela aurait été synonyme de mort atroce pour moi, tant il m’était vital d’écrire. Je griffonnais partout, tout le temps, seule ou non. C’est comme si je voulais retrouver un amour perdu, comme si je savais qu’il était encore possible d’ouvrir une brèche vers mon passé ; ce portail existe encore, quelque part. J’ai cherché ce passage invisible pendant des semaines ailleurs mais en réalité, il n’est qu’en moi.

Alors je l’avoue, je ne sais plus ouvrir cette porte et cela me fait flipper. Elle reste verrouillée mais je m’en souviens encore : lorsque je réussissais à la forcer, en plein milieu d’un texte, je me voyais propulsée si loin de mon corps. Les choses autour de moi me semblaient aériennes, plus rien n’avait d’importance, j’étais heureuse et sereine ; cette déconnexion du monde était la preuve qu’il en existait bien un autre. C’est une émotion que je qualifiais d’orgasme tant elle était parfaite, c’est un sentiment rond, incroyable, sans faille et sans limite.

L’écriture me manque.

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2023-09-18T21:29:44+02:00
https://demolition.journalintime.com/Redevenir-moi Redevenir moi C'est fou comme elle m'avait manqué - cette électricité au bout des doigts, ce tourbillon qui secoue tout dans ma tête, ces frissons qui me donnent envie d'écrire jusqu'à la mort -, cette verve qui dormait au fond de moi. Devant le miroir, j'ai le corps endolori par la vie, fatigué par mon accident, crevé par mes maux et ceux des gens ; et devant ce spectacle, j'ai enfin vu ce qui n'allait pas. La vérité m'a alpaguée, m'a sauté au visage, s'est fait accepter. Je me regarde tous les jours dans le miroir mais je ne l'avais plus vue depuis si longtemps : la vraie moi. Une femme de
C’est fou comme elle m’avait manqué - cette électricité au bout des doigts, ce tourbillon qui secoue tout dans ma tête, ces frissons qui me donnent envie d’écrire jusqu’à la mort -, cette verve qui dormait au fond de moi. Devant le miroir, j’ai le corps endolori par la vie, fatigué par mon accident, crevé par mes maux et ceux des gens ; et devant ce spectacle, j’ai enfin vu ce qui n’allait pas. La vérité m’a alpaguée, m’a sauté au visage, s’est fait accepter.

Je me regarde tous les jours dans le miroir mais je ne l’avais plus vue depuis si longtemps : la vraie moi. Une femme de vingt-quatre ans, un peu plus abîmée que la plupart des gens peut-être, un peu moins abîmée que d’autres. Une femme-enfant toute petite, frêle et fragile, incapable de construire quoi que ce soit car elle est persuadée de ne pas être assez. Depuis janvier, je crois que ma place n’est plus ici. Que le monde s’est arrêté de tourner. J’ai l’impression d’être dans un rêve et que plus rien ne compte. Que ces derniers mois, si douloureux soient-ils, ne valent rien car j’aurais dû mourir dans ma voiture.

Et c’est dans ce chaos que j’ai vu l’inimaginable se produire devant moi : mes yeux ont changé. Ils sont devenus plus sombres, plus noirs que d’habitude - j’ai presque cru que c’était la pièce où je me trouvais qui tombait dans l’obscurité. Deux étincelles sont alors venues illuminer le charbon de mes iris et je me suis soudain rappelée. Je me suis rappelée de qui j’ai pu être. Une enfant curieuse et studieuse, souriante et très sérieuse dans ses amitiés. Je riais pour un rien, j’écrivais tous les jours et je répétais à mes parents qu’un jour, je serais écrivaine ; je me rappelle avoir rédigé la phrase "si l’on me coupe les mains un jour, autant me tuer, car cela revient au même" alors que j’avais douze ans. Je me promettais de ne jamais renoncer à ce rêve - et c’est de toute façon vitale pour moi d’écrire et de le poster quelque part, je crois bien.

J’ai cligné des yeux et je me suis rapprochée un peu plus du miroir, consciente d’être perturbée et de souffrir de visions. Je ne sais pas si tout n’était qu’hallucinations ou si mes pensées s’illustraient d’images dans ma tête, mais cet échange avec mon moi enfant m’a semblé si réel. Je me suis rappelée que j’écrivais tout le temps, même adolescente, et que je me sentais chanceuse d’avoir une passion à laquelle me raccrocher lorsque cela n’allait pas. J’ai naïvement écrit des trucs comme "Lorsque les choses finissent mal, la plupart des gens semblent ne plus rien avoir. Moi, j’ai l’écriture. Je me demande comment font les autres ?".

Les larmes ont coulé sur mon visage et je me suis sentie présomptueuse d’avoir pensé de telles choses un jour. Mais j’ai alors relevé la tête, et à nouveau mon regard a croisé celui de la Sophie qui se cache encore au plus profond de moi. Et c’est là que j’ai compris. S’il a été si facile de dissocier et de ne pas me sentir à ma place dans le monde ces derniers temps, c’est pour une raison bien plus simple que les conséquences d’un accident de voiture. Si j’ai eu du mal à croire que mon existence était légitime, c’est parce que j’ai refusé d’estimer ce qui m’a toujours sauvée : l’écriture.

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2023-07-03T15:04:00+02:00
https://demolition.journalintime.com/Confrontation Confrontation Il y a eu un court silence dans la pièce lorsque je l'ai vue ; le temps s'est arrêté, le témoin à côté de moi s'est brusquement tu lui aussi, perturbé par son arrivée. Derrière la vitre de la porte, trempée par une averse soudaine, je l'ai reconnue alors qu'elle n'était pas encore devant moi. Elle n'est pas venue seule mais ce visage, cette allure, ces longs cheveux bruns et ce regard, c'était comme si je ne voyais plus qu'elle. "Oui voilà, on a volé ma voiture et je viens pour la confrontation, il y a eu un accident." A partir de ce moment, j'ai eu du mal à la regarder
Il y a eu un court silence dans la pièce lorsque je l’ai vue ; le temps s’est arrêté, le témoin à côté de moi s’est brusquement tu lui aussi, perturbé par son arrivée. Derrière la vitre de la porte, trempée par une averse soudaine, je l’ai reconnue alors qu’elle n’était pas encore devant moi. Elle n’est pas venue seule mais ce visage, cette allure, ces longs cheveux bruns et ce regard, c’était comme si je ne voyais plus qu’elle.

"Oui voilà, on a volé ma voiture et je viens pour la confrontation, il y a eu un accident."

A partir de ce moment, j’ai eu du mal à la regarder dans les yeux et il a été très difficile de retenir mes larmes. C’était l’un des pires instants de ma vie, l’un des plus frustrants, je crois bien - car entre les murs décrépis du commissariat, je n’arrivais plus à être sûre. Elle avait l’air de savoir si bien mentir et d’être si sûre d’elle. Elle avait la voix d’une fumeuse et de larges poches sous les yeux, un peu comme si la vie l’avait fatiguée. Je crois que c’est la première fois que j’ai autant dévisagé quelqu’un et c’est aussi la première fois que j’aurais aimé reconnaître encore plus des traits que je connaissais déjà.

"Pour moi, j’ai vu cette femme sur les lieux de l’accident. Je n’ai pas envie de vous accuser à tort, je ne sais pas si vous étiez la conductrice, mais vous étiez peut-être dans le véhicule, après tout. Mais je la reconnais ! Elle lui ressemble, ça peut être elle."

Cet homme est mon héro - quand il a dit tout cela et que tout le monde s’est tourné vers moi pour voir ma réaction, j’ai senti les larmes me monter aux yeux et ma vue s’est troublée. Le problème, c’est que moi, je n’arrivais pas à être formelle. Oui, je rêvais qu’elle soit coupable, je rêvais de lui demander POURQUOI, comment, à quel prix tu m’as fait tout ça  ? A quel prix m’as-tu volé mon sommeil, à quel prix m’as-tu privé de ma sérénité ? Est-ce que toi aussi, tu dors mal le soir ? Pourquoi roulais-tu si vite ? Est-ce que l’enfant présent dans ta voiture va bien ? Pourquoi, mais pourquoi ? A côté de moi, Diego m’a touché l’épaule pour me donner un peu de son si grand courage. Je modifie le prénom de cet homme mais jamais je n’oublierai son visage, ce tout premier visage que j’ai vu en sortant de la voiture, ce visage qui respirait la vie sur Terre.

Ignorant les règles de la confrontation, je me suis tournée vers la femme que je pensais coupable de tout ce qui m’était arrivé pour lui parler. J’avais envie de pleurer, de sortir de la pièce et de me réfugier chez moi mais j’ai respiré avant de lui dire toute la vérité - une vérité que j’aurais aimé ne jamais entendre. "J’en suis certaine, vous êtes la seule femme que j’ai reconnue sur les photographies qu’on m’a montrées lors de mes précédents interrogatoires. Je n’ai jamais été formelle, mais c’est bien vous. Par contre, j’ai beau vous regarder, oui, vous ressemblez à la conductrice mais je ne parviens pas à en être sûre."

Le témoin et moi-même étions désolés de nos mémoires ébranlées par le temps, mais le policier en charge de l’enquête nous a rassurés en expliquant qu’il était normal de ne pas se souvenir de tout à cause du choc. Alors que mes angoisses faisaient des allers-retours dans tout mon corps et que je tremblais, la suspecte s’est mise à parler des affaires qu’elle avait perdues dans cette voiture qu’on lui a soi-disant volée quelques jours avant mon accident. Elle a pleuré ces objets, elle a pleuré son mari mort quelques années plus tôt sur les routes, elle a pleuré son fils atteint de maladie chronique, elle s’est plaint de tout. Complètement choquée par ses dires, j’ai arrêté de parler à partir de là ; je ne pouvais plus rien faire mais étrangement, je sentais la colère s’éteindre en moi.

"Cette femme, cette femme encore à l’intérieur du commissariat. Je suis sûr que c’est elle l’auteure de l’accident, alors… alors je ne sais pas vraiment ce qu’il y a au-dessus de nos têtes, vous savez, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle le paiera autrement que par la justice !"

Diego a toujours eu les mots pour me rassurer et il a raison. C’est peut-être la meilleure façon de gagner mon procès contre une femme qui ne se rendra de toute façon jamais. Ils ne comprennent pas que je fais encore des cauchemars et que je suis toujours incapable de conduire, mais entendre parler de crêpières à 600 euros perdues dans l’accident est une preuve que l’accusée ne pense pas à ce que je peux vivre. Elle compare la peine qu’elle a pour des objets achetés à Intermarché à ma très certaine mort et aux douleurs qui me tailladent le corps et l’esprit. Alors je tourne la page, je la tourne pour sombrer un petit peu moins.

Et que le monde punisse à petit feu la femme qui a failli me tuer.

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2023-05-09T17:37:00+02:00
https://demolition.journalintime.com/La-blessure-invisible La blessure invisible Moi qui ne la pensais pas si profonde, moi qui croyais la soigner en écrivant, moi qui espérais que le temps calmerait les choses, j'ai l'impression de combattre un fantôme. Car c'est impossible : ma blessure, celle qui me fait si mal, je ne sais pas où elle est. Elle se cache, m'appuie sur le coeur, me noie dans mes larmes, me déchire tout espoir et m'écrase contre le sol. "Tu sais Sophie, on est là pour toi. Tu n'en as peut-être pas l'impression, mais même ton grand frère est là. Il demande toujours comment tu vas." Alors je fantasme sur ce que serait ma vie si je n'avais pas
Moi qui ne la pensais pas si profonde, moi qui croyais la soigner en écrivant, moi qui espérais que le temps calmerait les choses, j’ai l’impression de combattre un fantôme. Car c’est impossible : ma blessure, celle qui me fait si mal, je ne sais pas où elle est. Elle se cache, m’appuie sur le coeur, me noie dans mes larmes, me déchire tout espoir et m’écrase contre le sol.

"Tu sais Sophie, on est là pour toi. Tu n’en as peut-être pas l’impression, mais même ton grand frère est là. Il demande toujours comment tu vas."

Alors je fantasme sur ce que serait ma vie si je n’avais pas le corps aussi chargé, je m’imagine être moins lourde d’histoires et je me sens presque ridicule de vivre autant dans mon passé. Où sont mes erreurs ? Pourquoi est-ce que je pense autant à celle que j’étais ? J’ai l’impression de ne plus savoir prendre soin de moi alors que cela faisait partie de mes priorités - alors ce matin, encore dans l’obscurité de ma chambre, j’ai décidé de ne pas me rendre au travail. Je suis épuisée, je fais des crises d’angoisse dès que mon réveil sonne. Cela fait longtemps que je n’ai plus de force mentale, mais aujourd’hui j’ai senti qu’on attaquait mon corps, mes muscles, mes nerfs.

C’est un peu comme si je m’étais perdue dans une épouvantable tornade, un peu comme si une terrible tempête m’avait happée et emmenée dans ses remous pour toujours. J’ai peur de celle que j’aurais dû devenir mais peut-être encore plus de ce qui m’anime depuis plusieurs mois. J’ai envie de revivre mon accident de voiture, de penser mourir mais de ne pas mourir, de vivre et d’avoir à nouveau cet incroyable frisson qui me parcourt le corps, d’avoir à nouveau mal à en avoir envie de clamser - même si c’est encore le cas dès que je fais des mouvements trop répétitifs. J’ai peur car tout ce malheur, ça me plaît. Et, aussi mélancolique et étrange que je puisse être, mon attirance pour la noirceur n’avait jamais été aussi puissante.

"C’est malheureux, mais si vous ne parvenez pas à l’identifier formellement, nous serons obligés de clore cette affaire."

J’attends cette rencontre depuis quatre mois alors je ne sais pas du tout comment je vais réagir - dans mes cauchemars, ma colère se déchaîne et je me jette sur elle. Je l’accuse de tous les maux de ma vie, j’excuse la déprime et l’intériorisation de mes sentiments par ce qu’elle nous a fait, à ma voiture et à moi. Mais la vérité, c’est que je suis déjà très heureuse que la police ait fait son travail et qu’elle ait retrouvé la propriétaire du véhicule incriminé. Sauf que voilà le problème : cette femme, elle n’a ni permis de conduire ni assurance. Et pire encore : elle nie.

Bonjour Madame, 

Je vous contacte pour vous confirmer m’être entretenu avec la propriétaire du véhicule,
qui a été entendue. Il faudra, avec votre accord, organiser une confrontation,
car ELLE NIE LES FAITS.

Elle nie les faits. Elle nie les faits. ELLE NIE LES FAITS. Je me souviens comme d’hier du jour où j’ai reçu ce message, ce jour où je l’ai relu plusieurs fois pour être certaine que je ne rêvais pas. J’étais dans le brouaha du travail, toute seule, isolée mais à la fois si proche du bruit que les foules peuvent faire. Je ne sais plus vraiment, mais j’ai cru que c’était peut-être une hallucination, que j’allais me réveiller et que ce n’était qu’un cauchemar. Je savais que la procédure prendrait du temps mais naïvement, j’ai pensé qu’être la propriétaire de la voiture la condamnait déjà alors que pas du tout. Et alors, j’ai pleuré.

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2023-04-29T12:04:00+02:00
https://demolition.journalintime.com/Les-maux-du-corps Les maux du corps Une minerve serrée autour du cou, les scènes passent et repassent des dizaines de fois dans ma tête ; j'ai l'impression d'avoir tous les éléments sous les yeux. Et un peu comme les pièces d'un puzzle, ils s'accrochent, se défragmentent, se ressemblent, se confondent les uns avec les autres. "J'ai failli te perdre. Alors cet électrochoc, le soir de l'accident, c'est un électrochoc positif." Cela fait deux semaines qu'une étrange mélancolie me ronge et que mes sentiments virevoltent d'extrême en extrême. J'ai encore des visions et des douleurs qui m'attaquent au dos, au cou et
Une minerve serrée autour du cou, les scènes passent et repassent des dizaines de fois dans ma tête ; j’ai l’impression d’avoir tous les éléments sous les yeux. Et un peu comme les pièces d’un puzzle, ils s’accrochent, se défragmentent, se ressemblent, se confondent les uns avec les autres.

"J’ai failli te perdre. Alors cet électrochoc, le soir de l’accident, c’est un électrochoc positif."

Cela fait deux semaines qu’une étrange mélancolie me ronge et que mes sentiments virevoltent d’extrême en extrême. J’ai encore des visions et des douleurs qui m’attaquent au dos, au cou et aux jambes.

Dès que je monte en voiture, je me liquéfie sur place et je me sens rétrécir, devenir faible, j’ai l’impression de disparaître ; ce n’est ni physique ni psychologique, je crois. Comme si c’était un peu des deux, comme si on me frappait l’intérieur du corps mais que ça venait tout de même de l’extérieur. Comme si mes os se fissuraient de partout, comme s’ils se brisaient en mille morceaux. Les médecins que j’ai vus ont augmenté ma prise d’anti-douleurs sans grand succès, même si j’ai beaucoup moins mal qu’à mon retour de l’hôpital.

Et puis, pleine de courage et soutenue par mon père, je me suis présentée au commissariat de police le plus proche pour porter plainte contre X. "C’est pour un délit de fuite, s’il vous plaît." Ils n’ont tout d’abord pas voulu prendre ma plainte, sous prétexte que je n’avais pas l’air d’avoir été blessée et que si les dommages étaient uniquement matériels, ils ne pourraient rien faire. J’ai parlé, j’ai expliqué l’accident, avec toute la tristesse que je ressens pour cette femme qui roule peut-être encore, cette femme qui a mis en danger sa petite fille, cette femme qui aurait pu me tuer.

Ils s’attendent tous à me voir en béquille, en fauteuil - ou à ne pas me voir du tout. Alors au téléphone, même auprès de mon assurance, avec photographies et certificats médicaux à l’appui, j’ai du mal à être crue. Mais je sais ce que j’ai vécu et je remercie encore beaucoup le ciel de m’avoir sauvée, je me remercie d’avoir changé d’avis, je me remercie d’avoir détaché cette putain de ceinture de sécurité alors que je venais de passer par un truc effroyable. Je n’ai pas vu de tunnel noir ni de lumière blanche tout au bout ; j’ai juste vu l’obscurité, une obscurité apaisante et fataliste, puis j’ai entendu un bris de glace avant de me faire tirer par les bras.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai peur de reprendre le travail - rien n’est ma faute et pourtant, j’ai peur de la réaction des autres. Je ne l’ai raconté qu’à de rares personnes et comme mon métier est physique, je sais que je vais devoir justifier toutes ces douleurs. Décrire tout ce qui s’est passé lors de cet accident est à la fois une catharsis et un cauchemar infernal. Entre les gens qui ont pensé que c’était parce que j’avais un portable à la main et ceux qui m’ont filmée alors que j’étais avec les brancardiers, les réactions me répugnent et me font flipper.

"Bon, tu descends en bas de chez toi ? On va conduire ensemble un petit peu. Je reste avec toi."

Mes deux mains se posent sur le volant, j’actionne le levier de vitesse pour la première fois depuis deux semaines ; ce n’est pas ma voiture, c’est celle de mon père, mais qu’importe, ça reste une voiture. Et dans ma tête, c’est un peu comme si je prenais le contrôle d’une meurtrière et d’une sauveuse à la fois. J’ai conduit environ deux heures ; tout allait bien, mes anciens réflexes revenaient, je n’avais pas peur de la vitesse mais je me suis mis à craindre les autres. Les voitures qui filent à côté de moi ou qui me dépassent, je ne leur fais plus confiance.

Et puis, c’est sur le chemin du retour, sans trop comprendre pourquoi, que j’ai ressenti des picotements dans tout le corps. J’avais mal au cou et au dos ; mais surtout, je sentais que mon stress ne faisait qu’augmenter. C’est là que j’ai su : on approchait dangereusement de l’endroit. Mon père m’a regardée :
- C’est ici, je crois ?
- Oui, on reconnaît les panneaux d’information qu’on voit sur les photos.
Toute mon appréhension s’est volatilisée pour laisser place à un grand vide. Voilà, j’ai réussi à conduire. Mais j’ai mal, horriblement mal. Je me sens minuscule, petite, encore plus vulnérable qu’avant ; comme si un coup de vent ou une tape sur l’épaule pouvait me briser en mille morceaux. Je veux reprendre le travail.

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2023-02-13T16:09:37+01:00
https://demolition.journalintime.com/La-rage-de-vivre La rage de vivre Cet accident, c'est la porte de sortie que je cherche depuis plusieurs mois ; c'est le déclic, la gifle, la vrille, le choc, la vibration que mon corps avait besoin de ressentir pour sentir sa place dans le monde. J'ai téléphoné à l'homme qui m'a sauvée - il m'a donné de terribles détails sur ce qui s'est réellement passé. "Il y a eu de la fumée qui a commencé à s'échapper de l'avant de la voiture, alors on a fait aussi vite qu'on a pu. Je n'avais qu'une idée en tête : vous sortir de là, morte ou vivante." Ma voiture n'a fait aucun tonneau : la collision l'a fait voler
Cet accident, c’est la porte de sortie que je cherche depuis plusieurs mois ; c’est le déclic, la gifle, la vrille, le choc, la vibration que mon corps avait besoin de ressentir pour sentir sa place dans le monde. J’ai téléphoné à l’homme qui m’a sauvée - il m’a donné de terribles détails sur ce qui s’est réellement passé.

"Il y a eu de la fumée qui a commencé à s’échapper de l’avant de la voiture, alors on a fait aussi vite qu’on a pu. Je n’avais qu’une idée en tête : vous sortir de là, morte ou vivante."

Ma voiture n’a fait aucun tonneau : la collision l’a fait voler contre le mur central, elle a volé à environ trois mètres de haut, a fait quelques vrilles dans les airs et s’est écrasée au sol. Je m’imagine à l’intérieur et c’est impressionnant. "Des vrilles ? Alors, quand je me suis sentie secouée dans tous les sens, ma voiture n’était pas au sol ?" Mon interlocuteur acquiesce et me donne pas mal de détails sur le reste des événements.

Le fait qu’il n’arrivait pas à ouvrir la portière pour me dégager et qu’il ait fini par briser la vitre. Qu’il ait rapidement demandé à quelqu’un d’éteindre le contact de ma voiture alors que j’étais persuadée, sur le coup, que le moteur s’était de toute façon fait bousiller. Que la 206 s’était violemment fait projeter dans les airs, qu’elle avait entamé une vrille et qu’elle était retombée avant de glisser sur quelques mètres. Que des débris de verre et plein de morceaux de carrosserie aient volé sur les voitures des usagers autour de nous. Qu’il n’ait jamais, de sa vie, été témoin d’un accident aussi violent. Moi, je lui ai juste dit que je ne le réalisais sans doute pas encore, mais qu’un jour je repenserai à lui en me disant que je lui dois beaucoup.

"Ce qui m’a le plus choqué, c’est de voir qu’au lieu de s’arrêter pour vous venir en aide, les gens filmaient la scène. Ils vous filmaient. J’en ai entendu dire que vous deviez être au téléphone et que l’accident était sans doute de votre faute. Un accident si violent leur a fait perdre leur humanité alors que cela aurait dû être l’exact contraire."

Et cet accident, malgré toutes les galères qu’il engendre, réveille en moi une force indescriptible. Une sorte de je-m’en-foutisme gargantuesque, un truc qui m’envahit toute entière et qui pourrait bouffer n’importe qui. C’est comme si j’avais envie de vivre sans m’arrêter, d’appeler tout le monde, d’être moi-même, comme si d’un coup, je ne comprenais plus pourquoi j’ai eu un jour autant envie de guérir de mes traumas sexuels : ils font partie de moi. Ils sont arrivés. Ils font qui je suis, cela fait partie de mon passé. Cette vrille dans les airs m’a agité le cerveau dans tous les sens ; et j’ai l’impression qu’elle m’a remis les idées en place.

"Monsieur, je crois que dans tout ce malheur, il y a eu du bonheur."

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2023-01-30T21:25:41+01:00
https://demolition.journalintime.com/Le-miracle Le miracle Shadows of Sins Ma tête qui frappe un peu partout, ma main crispée sur le levier de vitesse, mon corps qui se raidit face aux chocs et mon âme toute entière qui hurle. "Non, je ne veux pas mourir, pas comme ça, pas ce soir !" Il y a d'abord eu un bruit effrayant : c'est la première fois de ma vie que j'ai pu entendre le temps s'arrêter. On m'est rentré dedans à une vitesse si violente ; le crissement des freins sur le pétrole et l'énorme fracas à l'arrière de ma voiture me reviennent encore et encore à l'esprit. Un peu comme un cauchemar éveillé, je retrace le scénario
Shadows of Sins
Ma tête qui frappe un peu partout, ma main crispée sur le levier de vitesse, mon corps qui se raidit face aux chocs et mon âme toute entière qui hurle.

"Non, je ne veux pas mourir, pas comme ça, pas ce soir !"

Il y a d’abord eu un bruit effrayant : c’est la première fois de ma vie que j’ai pu entendre le temps s’arrêter. On m’est rentré dedans à une vitesse si violente ; le crissement des freins sur le pétrole et l’énorme fracas à l’arrière de ma voiture me reviennent encore et encore à l’esprit.

Un peu comme un cauchemar éveillé, je retrace le scénario dans ma tête pour réaliser ce qui s’est passé hier soir ; je n’essaie pas de me changer les idées, au contraire. Il n’y a eu aucun moment de blanc, aucun passage vide, j’ai juste pensé : "Alors, c’est dans ma voiture que je vais mourir ?". Je me fracasse contre le mur central de l’autoroute, la 206 s’envole, bascule en arrière et là, je suis bousculée dans tous les sens. Je n’ai jamais ressenti ça de toute ma vie : un bras contre mon visage et l’autre sur le pommeau de vitesse, j’ai peur d’être en tort et de tuer quelqu’un sur la route. Je n’ai pas peur de mourir, je subis plusieurs chocs et j’attends d’être écrasée ou de mal retomber.

Après quelques tonneaux, je suis encore attachée côté conducteur, la tête à l’envers - ok, je le comprends très vite, le toit de ma voiture est contre la route. Ma voiture glisse sur quelques mètres, je garde le levier de vitesse dans la main et je me crispe, persuadée qu’un sur-accident va venir m’achever et que je n’aurai plus jamais à penser à quoi que ce soit. A ce moment, j’ai peur d’être blessée gravement et d’éviter la mort ; parce que vu la violence de la collision, il est impossible que je m’en sorte. Et c’est peut-être mieux comme ça.

"C’est vrai que je n’ai jamais eu d’accident, j’ai tellement de chance. Je me demande si les gens m’apprécieraient toujours autant si j’avais une jambe en moins, par exemple. C’est un peu bizarre de penser à ça alors que je suis en train de conduire, non ?" - quelques minutes avant qu’on me rentre dedans

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Dès que la voiture s’immobilise, j’entends freiner tout autour de moi, j’entends des voix, des gens qui hurlent, des gens qui claquent des portières. Je suis morte, enfin ; en tout cas, je ne crois pas, à ce moment-là, qu’il puisse être possible d’être vivante. Dans le doute, je détache toute de suite ma ceinture et je m’écrase contre mon compteur et mon volant : je me souviens très bien de la sensation de liberté que ça m’a procurée, j’avais l’impression d’être prisonnière de ma voiture et ne plus avoir de ceinture de sécurité contre ma poitrine m’a rassurée. Le plus dur reste à faire : je dois sortir, et vite. J’avais peur que le moteur surchauffe, que quelque chose m’explose au visage.

L’adrénaline m’a permis de ne pas avoir peur de ce qui se passait autour de moi, mais toutes les vitres de la voiture ont été brisées. Les jambes un peu tremblantes, j’actionne la portière de la voiture mais je n’ai pas assez de force pour l’ouvrir. La gravité est contre moi : plaquée contre le volant, les jambes dans le vide à cause de ma petite taille, je n’ai pas assez d’appuis pour m’aider. Je me souviens m’être dit "Quelqu’un va me sortir de là, pas vrai ? Quelqu’un va me sortir". Et il est arrivé : mon ange gardien a explosé la portière et m’a délogée des enfers.

Un homme d’une quarantaine d’années m’a attrapée par les bras et m’a mise à l’abri de l’autre côté de la route. Je n’arrêtais pas de crier : "Je suis désolée, oh je suis désolée, je suis vraiment désolée !", et lui essayait tant bien que mal de calmer mes pleurs en hurlant "Madame, vous allez bien ! Vous êtes en vie, c’est incroyable ! Et vous n’êtes pas en tort ! Vous n’êtes pas en tort du tout ! On vous a percutée ! Vous êtes en vie !". Encore sous le choc, j’avais l’impression d’être dans un mauvais rêve : l’obscurité de la nuit et les phares lumineux des voitures tout autour de nous rendait ça terrifiant. Une femme est arrivée vers moi en courant et m’a pris dans les bras.

"Je vous en prie, ce n’est pas de votre faute, c’est moi ! C’est à cause de moi ! Je roulais et j’ai tapé dans votre voiture, c’est à cause de moi tout ça. On va s’arranger, ne vous inquiétez pas, mais ce n’est pas vous ! Vous êtes en vie, c’est l’essentiel." Je l’ai serrée dans mes bras comme si c’était ma mère, puis elle s’est éloignée et trois hommes se sont occupé d’appeler la police, les pompiers et la sécurité.

Beaucoup de monde s’est arrêté pour me venir en aide. L’accident a été si violent - et moi, j’étais debout, vivante, sans une égratignure. Ma tête et mon dos me faisaient juste horriblement mal. Mais sur une échelle de 1 à 10, la douleur était à peine à 7. De l’autre côté de la voie, des pompiers prévus sur une autre mission ont vu qu’on avait besoin d’eux et se sont arrêtés jusqu’à l’arrivée de leurs collègues. Un d’eux m’a pris avec lui et a maintenu ma tête pendant de longues minutes. C’est là que j’ai jeté un oeil à ma voiture : c’était impressionnant.

L’arrière était complètement fracassé, il n’y avait plus de coffre et l’avant était si écrasé qu’on aurait dit qu’il n’existait plus. Plein de pièces de voitures jonchaient la route et mon sauveur, celui qui m’a extirpée de la voiture, s’occupait de rediriger les gens sur la voie de droite. Il a aussi garé sa Mini en diagonale de la route pour nous laisser un peu d’espace ; tous les curieux sortent leurs téléphones et me filment, prennent ma voiture en photo, s’imaginent sans doute que je suis responsable de cet accident. Et d’ailleurs, on se rend compte que la voiture de la criminelle est encore là mais qu’il n’y a plus de passagère à l’intérieur : elle a grimpé dans la caisse de quelqu’un d’autre et elle a pris la fuite. Une pourriture qui se fera vite retrouver. Elle roulait apparemment à plus de 150km/h, et moi j’étais quasiment à l’arrêt car il y avait eu un ralentissement devant moi.

J’ai pleuré pour ma voiture mais aussi pour ma vie : je suis si heureuse d’avoir été protégée et que mes air bag ne se soient pas déclenchés. Je crois que sinon, ils auraient frappé ma poitrine et j’aurais eu encore moins de place et de force pour sortir de la voiture. J’ai pris le numéro de mon ange gardien, je l’appellerai demain pour lui donner des nouvelles ; je lui dois beaucoup, il est resté pour décrire le portrait de la conductrice à la police et m’a énormément soutenue. Il s’est comporté comme un père, c’était rassurant et ça m’a permis de garder mon calme du début de l’accident à mon arrivée aux urgences. Les radios de ma tête et de mon torse n’ont rien donné, même si j’ai un léger traumatisme crânien. Je ne saigne pas. Je n’ai rien de cassé. Je ne suis pas blessée.

J’ai pas mal de médicaments à prendre pour les douleurs traumatiques, qui sont déjà là et qui vont sûrement s’amplifier dans les jours qui suivent, mais bordel. Je crois qu’hier était la pire et la meilleure journée de ma vie. Merci à cette force venue d’ailleurs, cette force qui fait que je suis aujourd’hui ici pour écrire que j’ai la chance d’être encore en vie.

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2023-01-29T00:06:01+01:00
https://demolition.journalintime.com/Guerir-par-le-mal Guérir par le mal La boule au ventre, trempée, les doigts crispés autour du mât de mon parapluie, j'attends le bus ; j'ai presque envie qu'il ne passe pas, j'ai presque envie de me recoucher dans mon lit pour retrouver les cauchemars que je connais si bien. J'ai peur de l'inconnu. J'ai peur de voir une psy. Il y a deux jours, j'ai rêvé que je tuais quelqu'un et qu'on accusait une innocente à ma place - j'ai cru que c'était vrai mais j'ai laissé faire, je me souviens avoir pensé "je ne sais pas pourquoi j'ai fait une chose pareille, mais je n'ai que vingt-quatre ans. Je ne peux pas pourrir en prison !
La boule au ventre, trempée, les doigts crispés autour du mât de mon parapluie, j’attends le bus ; j’ai presque envie qu’il ne passe pas, j’ai presque envie de me recoucher dans mon lit pour retrouver les cauchemars que je connais si bien. J’ai peur de l’inconnu. J’ai peur de voir une psy.

Il y a deux jours, j’ai rêvé que je tuais quelqu’un et qu’on accusait une innocente à ma place - j’ai cru que c’était vrai mais j’ai laissé faire, je me souviens avoir pensé "je ne sais pas pourquoi j’ai fait une chose pareille, mais je n’ai que vingt-quatre ans. Je ne peux pas pourrir en prison !".

Toute transpirante, je me suis réveillée de cet enfer, persuadée que j’avais été capable d’être violente avec une autre femme. Je ne sais pas qui j’ai tué ni pourquoi, mais la culpabilité m’a rongée toute la journée - et à la fois, ce cauchemar m’a donné envie d’aller mieux. Ce cauchemar m’a foutu une claque ; et pour cause, si j’ai déjà rêvé que quelqu’un voulait me tuer, je n’avais encore jamais imaginé autant les détails d’un meurtre et d’un procès. Surtout lorsque cela aurait dû être le mien.

"Et ces cauchemars que vous faites… ne pensez-vous pas qu’ils sont le reflet exact de ce qui se passait autour de vous lorsque votre cerveau ne supportait pas de vivre les choses ?"

J’ai planté mes yeux noirs dans ceux de ma psychologue ; elle a des yeux sombres légèrement en amandes, de longues nattes africaines tombent sur son visage et elle porte un pendentif en forme de croix autour du cou. Sa voix est douce, comme si elle venait tout droit du ciel - et si elle savait le genre de cauchemar que je peux faire, je crois qu’elle m’enverrait direct dans les abysses les plus profondes pour en parler au diable.

Moi qui avais si peur en arrivant, je me sens en sécurité avec Aberlinda ; elle réussit à créer un petit cocon où la regarder dans les yeux quand je parle n’est plus un problème. Ce n’est que la première séance mais elle sait déjà où m’emmener : elle souhaite me préparer psychologiquement et physiquement à plonger dans mes traumatismes en travaillant sur ma mémoire.

"Dites-vous qu’ici, vous venez déposer ce qui ne va pas et vous repartez sans, même si tout ça c’est votre histoire. C’est impossible de le détruire, car ça fait partie de vous ; mais vous êtes là pour que ça devienne une expérience. Une expérience négative, oui, mais une expérience."

Démolition. Je vois peut-être la guérison comme quelque chose d’un peu trop drastique, d’un peu trop violent alors que je devrais être douce avec moi-même ? J’ai oublié certaines choses, des choses qui rejaillissent la nuit sous forme de cauchemars et elle a peur que pratiquer l’EMDR sans attendre me laisse en état de choc. J’ai pleuré juste avant d’aborder les abus et la culpabilité que je porte sur les épaules. Je lui ai même dit que je regrettais de ne jamais avoir porté plainte alors que je n’y avais encore jamais réfléchi sérieusement.

On va travailler ensemble sur tout ça une fois toutes les deux semaines, le lundi matin - ça me convient, ça me permet de débuter mes week-end sur de bonnes bases. Elle m’a également demandé de remplir un petit carnet avec le lieu, la date et la description des crises d’angoisse que j’aurai avant notre prochaine séance. Je dois aussi y écrire les cauchemars que je fais car c’est sur cette base qu’on va s’appuyer pour comprendre ce qui se passait. C’est marrant, mais savoir que je remplirai ce carnet quoi qu’il arrive me rassure presque.

Il y a des milliers de choses qui continuent à me faire peur mais après tout, voir une psychologue me faisait flipper également - et pourtant, je l’ai fait. Montrer à mon cerveau que je n’ai aucune raison d’avoir peur des changements et de l’inconnu reste le meilleur exercice possible pour aller mieux ! Je suis encore loin d’avoir vidé mon sac mais je baisse enfin les armes, et qu’est-ce que ça fait du bien. Avec Aberlinda, on a discuté du fait que récemment, j’ai trouvé le courage d’en parler autour de moi. A ma maman et à ma meilleure amie en particulier. Elles sont là si jamais, et je ne m’en rends pas toujours bien compte ; j’ai l’impression d’être seule dans cette épreuve mais elles font leur maximum pour comprendre.

Et comme toujours, j’adore ce paradoxe, cette dualité qui me pousse à faire tout ça : guérir par le mal est sans doute la meilleure chose qui puisse m’arriver.

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2023-01-16T17:15:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/Amnesia Amnesia Les jambes encore tremblantes, je grimpe sur la banquette arrière de la voiture ; ses parents à l'avant, lui et ses soeurs à l'arrière, on vient de manger au restaurant tous ensemble mais je me sens encore si mal. Je me rappelle encore beaucoup trop bien de ce qui s'est passé la veille, même si j'aimerais tant me persuader de n'avoir jamais vécu des choses pareilles. "Non, non... Arrête, s'il te plaît. Je n'ai pas envie, c'est trop, Giovani. J'ai pas envie que tu fasses ça si fort." C'est lorsque j'attache ma ceinture de sécurité et que la boucle vient frotter mes seins que
Les jambes encore tremblantes, je grimpe sur la banquette arrière de la voiture ; ses parents à l’avant, lui et ses soeurs à l’arrière, on vient de manger au restaurant tous ensemble mais je me sens encore si mal. Je me rappelle encore beaucoup trop bien de ce qui s’est passé la veille, même si j’aimerais tant me persuader de n’avoir jamais vécu des choses pareilles.

"Non, non… Arrête, s’il te plaît. Je n’ai pas envie, c’est trop, Giovani. J’ai pas envie que tu fasses ça si fort."

C’est lorsque j’attache ma ceinture de sécurité et que la boucle vient frotter mes seins que tout rejaillit en moi : je lui ai dit non et il l’a quand même fait. Je lui ai dit non et il a fini par me blesser. Le matin, j’avais des marques sur la poitrine et très mal un peu partout ; et à la fois, je me sentais étrangement très bien, je me disais "oui, c’est comme ça qu’on couche ensemble". Je lui ai parlé et il a fait semblant de ne pas entendre la peur dans ma voix - c’est un peu comme me dire que je ne suis personne, un peu comme me prouver que mon corps ne compte pas dans l’équation.

Il y a un soir où j’ai vraiment eu peur de ce qu’on faisait - ou plutôt, peut-être, de ce que lui me faisait. L’obscurité de la chambre, à peine baignée par le faisceau lumineux de la lune, donnait à la scène un côté encore plus effrayant ; alors d’un coup, je me suis mise à pleurer et j’ai allumé la lumière. Les yeux écarquillés et le corps grelotant, je me suis blottie dans le coin du lit le plus loin de Giovani. Il a très mal réagi et m’a reproché d’avoir trop bougé et que c’était pour cette raison que j’avais paniqué, que je n’avais pas à pleurer, que c’était lui qui devrait être mal et pas moi.

Pendant des mois, il a retourné la situation pour me faire croire que je n’étais pas une bonne copine et que ce qu’il faisait était normal. En plus des abus sexuels, il me faisait culpabiliser en m’expliquant que mes messages le rendaient nerveux et que je ne devrais pas lui envoyer plus d’un message toutes les trois semaines. Complètement sous son emprise, je l’ai cru ; j’avais peur de lui, lui qui savait me manipuler comme une marionnette. Les jours passaient et je savais que je ne pourrais jamais être heureuse avec lui mais je continuais - je n’avais pas spécialement envie que ça change, je n’attendais rien de sa part. Mon fantasme, c’était de rester avec lui, de devenir sa femme et la mère de ses enfants. J’aimais sa famille, j’aimais beaucoup son père ; et surtout, j’étais amoureuse d’un fantasme créé de toutes pièces.

"Sophie, ressaisis-toi un peu, putain. Tu te rends compte que t’étais évanouie et que tu viens à peine de reprendre tes esprits ? On dirait un légume ! Et pleure pas, c’est moi qui devrais pleurer à ta place, c’est moi qui ne suis pas bien là. C’est toi qui agis comme si j’allais te perdre."

Dans ma tête, il ne me secouait jamais lorsque j’avais des crises d’angoisse. Il ne me disait jamais que j’étais chiante et ne racontait à personne que je ne savais pas ce que je voulais. Dans ma tête, il était à mon écoute et n’essayait pas de me façonner une personnalité. Il ne continuait pas à me pénétrer lorsque je perdais connaissance et il ne me crachait pas au visage sans mon consentement. Dans ma tête, il était tout le contraire de ce qu’il était vraiment. Il me disait je t’aime et c’était vrai. Il me disait je t’aime et c’était évident.

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2023-01-08T07:10:29+01:00
https://demolition.journalintime.com/Les-noeuds-dans-mon-corps Les noeuds dans mon corps Un par un, j'aimerais prendre le temps de les défaire ; si je déchire enfin ces noeuds qui m'empoisonnent toute entière, j'aurai l'impression d'avoir gagné. J'aurai l'impression d'avoir terrassé ces démons qui rongent mon corps, d'avoir vaincu ce virus qui rend mon âme si sombre, d'avoir annulé la plus longue maladie de ma vie. Si je desserre un petit peu ces chaînes qui m'enserrent le coeur, je ferai enfin disparaître les cauchemars et les flash qui hantent mes nuits. Mais la vérité, c'est que j'ai fini par avoir peur de tout : peur de parler devant les gens, peur d'écrire,
Un par un, j’aimerais prendre le temps de les défaire ; si je déchire enfin ces noeuds qui m’empoisonnent toute entière, j’aurai l’impression d’avoir gagné. J’aurai l’impression d’avoir terrassé ces démons qui rongent mon corps, d’avoir vaincu ce virus qui rend mon âme si sombre, d’avoir annulé la plus longue maladie de ma vie.

Si je desserre un petit peu ces chaînes qui m’enserrent le coeur, je ferai enfin disparaître les cauchemars et les flash qui hantent mes nuits.

Mais la vérité, c’est que j’ai fini par avoir peur de tout : peur de parler devant les gens, peur d’écrire, peur d’aimer un peu trop, peur d’être moi.

"Je suis pas dans mon état normal. Je me sens mal, je me sens sale."
"Mal, je veux bien l’entendre. Mais c’est à lui de se sentir sale, pas à toi Sophie."

J’ai peur que tout soit bien trop emmêlé et que le travail ne soit trop difficile pour moi. Alors oui, j’essaie de ne pas placer tout mon espoir dans les séances de thérapie que je vais commencer, mais c’est plus fort que moi. Juste après une crise de panique, j’ai pour habitude de me calmer en me promettant que je guérirai et que je ne resterai pas comme ça toute ma vie. Et c’est sans doute vrai - enfin, peut-être que la guérison n’arrive pas, mais je continuerai à évoluer dans tous les cas. Je réalise que rien dans ma vie n’est binaire et je ne sais pas si je dois apprécier la beauté de la chose ou pleurer toutes les larmes de mon corps devant cette idée.

Et lorsque je me protège de ces craintes, le pire se produit : je ressens un mal infini m’envahir et je me noie sous des vagues d’angoisse. Je crois que c’est pour cette raison que je n’écris plus. Un peu comme si j’avais peur de me retrouver et d’accepter qui je suis vraiment, je préfère me cacher sous des artifices. Je répète un texte avant de parler aux autres, je calcule tout ce que je fais et cela pompe toute mon énergie.

Le 8 janvier 2023, 7h38 : 

J’ai hésité à poster cet écrit il y a deux semaines, alors j’y ai rajouté quelques petits trucs et je l’ai quand même publié ; c’est à ce moment que j’ai commencé à aller très mal. Quand j’ai compris que je dévalais une pente cruciale pour ma santé mentale, j’ai essayé de m’accrocher à ce que je pouvais. De toutes mes forces, je veux m’en sortir. Mais cette fois, je n’ai pas réussi - je me sens déconnectée de tout, des autres et surtout de moi-même. Je ne sais plus qui je suis, j’évolue autour d’un seul et même noyau : les viols que j’ai subis et les traumatismes que cela engendre.

Et à force de contrôler mes pensées négatives, j’ai fini par exploser : dans la nuit, j’ai senti un point de non retour et j’ai fait d’énormes crises d’angoisse. Je dois peut-être passer par là pour comprendre que j’ai besoin de guérir, pour comprendre que non, ce n’est pas parce que j’ai quitté mon ex copain que tout rentrera dans l’ordre. J’ai encore tant de choses à faire pour redevenir moi-même.

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2022-12-26T00:26:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/La-notification La notification S'il me semble impossible de poser un mot devant l'autre sans tout effacer immédiatement, c'est peut-être parce que je suis déboussolée par tout ce qui se passe. Tous les jours, j'ai hésité à poster - et j'ai manqué de temps pour moi, car je l'ai passé avec les gens que j'aime. C'est aussi ça, guérir : trouver le courage d'en parler aux autres et voir dans leurs yeux que je ne suis pas seule. Et si j'avais su à quel point cela me ferait du bien, je l'aurais fait depuis plus longtemps. "Du coup, il y a un truc dont tu voulais me parler, Sophie, c'est bien ça ?" "Oui, c'est un
S’il me semble impossible de poser un mot devant l’autre sans tout effacer immédiatement, c’est peut-être parce que je suis déboussolée par tout ce qui se passe. Tous les jours, j’ai hésité à poster - et j’ai manqué de temps pour moi, car je l’ai passé avec les gens que j’aime.

C’est aussi ça, guérir : trouver le courage d’en parler aux autres et voir dans leurs yeux que je ne suis pas seule. Et si j’avais su à quel point cela me ferait du bien, je l’aurais fait depuis plus longtemps.

"Du coup, il y a un truc dont tu voulais me parler, Sophie, c’est bien ça ?"

"Oui, c’est un truc important. Je vais commencer à te le dire ici, pendant qu’on est encore dans le train pour rejoindre les autres, mais je ne sais pas si j’arriverai à tout te raconter. Je ne sais pas si j’arriverai à ne pas pleurer. Je ne sais pas si j’arriverai à tout te dire pour que tu comprennes."

Même si ma meilleure amie et moi nous sommes rencontrées alors que nous avions cinq ans et qu’on en a aujourd’hui presque 24, parler de mes viols restait quelque chose d’incroyablement difficile. J’avais peur qu’elle passe par le même état que moi : la sidération, le déni, l’oubli, le doute, la dédramatisation. J’avais peur qu’elle me demande "Mais, tu es sûre de toi ?".

En réalité, elle a tout de suite fait le lien avec le comportement de mon copain de l’époque et avec ma récente rupture. Elle a tout de suite compris qui m’avait fait ça et pourquoi je panique autant depuis plusieurs années. Elle m’a écouté pendant une ou deux heures - je ne sais plus combien de temps j’ai parlé, j’ai évité de m’attarder sur les détails pour éviter de la choquer mais j’ai eu l’impression d’être libérée d’un poids qui pesait beaucoup trop lourd pour mes épaules.

Alors évidemment, je n’ai pas fini de m’en décharger et j’ai encore besoin de trouver le courage d’appeler un psychologue. Même si j’ai repris le travail depuis quelques jours, j’ai profité de ma semaine de vacances entre amies pour me vider la tête et surtout pour créer la frise chronologique de ma vie. Je n’ai pas l’intention de travailler là-dessus toute seule du début à la fin, mais m’inspirer de la thérapie de l’intégration du cycle de la vie me permet de me ressaisir un peu.

"L’intégration du cycle de la vie repose sur le fait de relancer l’intégration neuronale pour ainsi soutenir cette capacité naturelle du corps et du psychisme à se guérir."

Parce que oui, maintenant que je vais un peu mieux quant à ma rupture, il faut que je rebondisse et que je me soigne. C’est pour cette raison que j’ai quitté ma relation, c’est pour cette raison que j’ai ouvert ce journal, qu’il soit lu ou qu’il ne soit pas lu - il reste le meilleur moyen de vivre mon évolution au plus proche possible de la réalité.

Je viens de recevoir une notification.

"Votre rendez-vous du Lundi 16 Janvier 2023 est confirmé.
En cas d’imprévu, pensez à le déplacer ou à l’annuler le plus tôt possible."

OK. J’ai réussi. Et cette fois, c’est promis, je suis prête.

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2022-12-12T11:19:07+01:00
https://demolition.journalintime.com/Cible-en-vue Cible en vue J'adorerais mieux me connaître pour savoir comment reconnecter ces fils qui se détachent les uns des autres et pour couper les connexions qui ne devraient plus s'y faire. "Le cerveau a encodé en profondeur la mémoire traumatique, car les émotions étaient trop violentes à gérer." J'ai parfois l'impression d'être devant quelqu'un que j'aime mais aussi devant une parfaite inconnue - l'impression de savoir dans quels tiroirs fouiller pour guérir mais d'avoir peur de regarder tant mes cauchemars y moisissent depuis des années. Mais je me suis fait une promesse en ouvrant ce journal
J’adorerais mieux me connaître pour savoir comment reconnecter ces fils qui se détachent les uns des autres et pour couper les connexions qui ne devraient plus s’y faire.

"Le cerveau a encodé en profondeur la mémoire traumatique, car les émotions étaient trop violentes à gérer."

J’ai parfois l’impression d’être devant quelqu’un que j’aime mais aussi devant une parfaite inconnue - l’impression de savoir dans quels tiroirs fouiller pour guérir mais d’avoir peur de regarder tant mes cauchemars y moisissent depuis des années.

Mais je me suis fait une promesse en ouvrant ce journal - un journal intime, oui, mais aussi un journal de bord, un témoin salvateur - et je compte la tenir. Je suis en vacances, j’ai du temps devant moi et pourtant je repousse toujours autant ce que je veux faire pour aller mieux. Il y a un peu plus d’un an, la psychologue que j’ai vue m’a parlé des pistes auxquelles elle pensait pour me soigner. Si l’EMDR m’a beaucoup intéressée, celle qu’on m’a proposée m’impressionnait et me faisait encore plus peur : l’intégration du cycle de la vie.

"Si quelque chose rappelle l’événement, alors le corps entier va se mettre en alerte, inconsciemment, à l’insu de la personne."

Si la seule défense que mon cerveau trouve pour me protéger est d’oublier, mon corps est parfois enveloppé d’une aura sombre. Il pèse alors sous le poids de flashbacks que je n’arrive même plus à situer dans le temps. Souvent, je ne sais même plus si ce que j’ai vécu est arrivé ; tout n’est devenu qu’images, sons et sentiments - mais je ne parviens ni à m’en détacher, ni à me dire que c’est bien moi qui ai vécu les violences. J’ai repensé aux mots de cette psychologue avec qui ça n’avait pas spécialement matché, et c’est comme ça que j’ai vu ma toute première porte de sortie : je suis peut-être assez forte, à présent, pour retracer les grandes lignes dans le temps et dans l’espace.

C’est la seule chose qui compte à mes yeux : comprendre que j’ai bien vécu quelque chose de grave mais savoir aussi que je ne mérite pas de bloquer dessus toute ma vie ! J’ai la boule au ventre à l’idée de commencer ce travail sur moi-même mais à la fois, je me sens prête à ranger tout ce que je n’ai encore jamais osé toucher. Il y a aussi autre chose que je dois prendre en compte : juste après ma rupture, mon comportement s’est souvent empreint de désinvolture et d’une spontanéité presque dérangeante.

J’avais soudain envie de baiser alors que ma sexualité est cassée en mille morceaux, j’avais envie de sortir tous les soirs et à la fois d’écrire tous les jours. C’est une incompréhension qui me rappelle également que je ne suis qu’au tout début d’une fastidieuse guérison. Si rien ne me laisse croire que le chemin sera long, rien ne m’indique non plus que je suis sur le bon chemin. Je vais peut-être tout rater, tomber plus bas que je ne le suis déjà, ne plus me faire confiance et me détruire ; mais si c’est par là que je dois passer pour me reconstruire, alors je garde les yeux sur ma cible.

Je me veux moi. Heureuse. Traumatisée. Entière. Guérie et consciente.

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2022-11-23T16:22:02+01:00
https://demolition.journalintime.com/L-engrenage-infernal L'engrenage infernal "[...] Je me disais qu'il te réservait toute sa douceur et son affect, mais je me suis sans doute trompée." Elle a beau être inconsolable et me faire de la peine, cette maman fait parfois réfléchir tous les problèmes de la société dans ses paroles. Je ressens alors tout ce que j'ai eu peur de ressentir : l'incompréhension, le jugement, le mépris, les vilaines curiosités qui s'accrochent comme des herbes sauvages, qui s'enroulent autour de tout ce qu'elles peuvent. Tant dans ma famille que dans la sienne, personne ne comprend mais surtout, personne ne sait ; les siens croient

"[...] Je me disais qu’il te réservait toute sa douceur et son affect, mais je me suis sans doute trompée."

Elle a beau être inconsolable et me faire de la peine, cette maman fait parfois réfléchir tous les problèmes de la société dans ses paroles. Je ressens alors tout ce que j’ai eu peur de ressentir : l’incompréhension, le jugement, le mépris, les vilaines curiosités qui s’accrochent comme des herbes sauvages, qui s’enroulent autour de tout ce qu’elles peuvent.

Tant dans ma famille que dans la sienne, personne ne comprend mais surtout, personne ne sait ; les siens croient bêtement que c’est la faute du mec. C’est un peu comme dans les plus grands fantasmes à l’eau de rose : c’était sans doute un amour impossible, un amour incroyable, et c’est certain, il m’a blessée, trompée et souillée d’insultes. Je n’arrive plus à me justifier - mais quand je ne dis plus rien, les autres croient le pire.

Ils croient que c’est de ma faute ou de la sienne, qu’il est impossible qu’on ne s’aime plus, que le passé ne peut pas gâcher les vraies histoires. Alors peut-être que oui, ils ont raison ; peut-être que oui, je regretterai. Mais ils n’ont plus le droit de discuter mon départ. Cette maman n’a pas le droit d’appeler son fils et de lui dire qu’il s’est mal comporté alors que c’est faux.

"Je peux te poser une question ? Sur une échelle de 1 à 10, tu penses te situer où, niveau confiance en toi ?"

Mon chocolat chaud entre les mains, je me rends compte que cet après-midi avec ce nouveau pote vire au date ambigu ; comme ça, sorti de nulle part, il se met à me demander ce qui me plaît chez lui alors que je n’ai jamais manifesté mon attirance - qui n’existe pas, d’ailleurs. Petit à petit, ses questions et ses mimiques me rappellent à quel point je déteste ce jeu entre êtres humains ; ce jeu de la meilleure impression, ce jeu d’ego, ce jeu de l’analyse de l’autre qui a l’air de plaire à certains. Il me dit que j’ai tout de suite été un challenge à ses yeux, qu’il veut que je me rappelle de lui.

Je le regarde droit dans les yeux, lui qui vient de me dire qu’il m’a invitée parce que je lui plais et qu’il me trouve mignonne - le déséquilibre se crée quand j’insinue que je suis venue car on bosse ensemble et que je n’avais encore jamais passé de temps avec lui. On dirait qu’il déguise sa timidité sous la provocation : il prétend que je suis craintive, que je n’ose même pas le prendre dans mes bras alors que j’ai froid comme jamais et m’explique qu’il aime la franchise. Ca me plaît et ça m’insupporte à la fois. Je me noie parfois dans ses yeux noirs ; j’ai beau chercher, je ne trouve rien mais je passe un bon moment. Tout est juste un peu bizarre, un peu trop calculé.

"Quand on s’est recroisé un peu par hasard et que tu m’as dit que tu te souvenais vaguement de moi, j’ai pris ça comme un défi. Je me suis dit qu’il fallait que tu te rappelles."

C’est la toute première fois que j’ai l’impression de n’être qu’une fille sur laquelle on se jette. Une fille qu’on caresse de compliments, une fille à qui on lance des regards qui disent "un jour, tu verras, je t’aurai", une fille qu’on fait semblant de respecter mais qu’on juge sur tout ce qu’elle dit. Et cet engrenage infernal, je suis enfermée dedans depuis ma rupture. J’essaie de m’ouvrir aux autres et de me rapprocher de ma famille, des gens avec qui je travaille, de ceux à qui j’adresse rapidement la parole - après quelques semaines enfermée chez moi, cela me fait du bien de voir de nouveaux sourires, de connaître de nouvelles personnes.

J’essaie parfois de me raisonner et de me dire que ce ne sont que des coïncidences ou que j’y suis sans doute pour quelque chose. Mais cet après-midi entre potes qui se transforme en rendez-vous amoureux m’a clairement fait valdinguer le coeur dans tous les sens. Je n’avais jamais imaginé qu’un nouveau pote pouvait me dire des choses aussi directes sans avoir joué un peu avec moi d’abord. Je vois un peu ça comme de l’égoïsme, comme le gâchis d’une potentielle amitié, comme le déguisement d’un fort intérêt sous un discours détaché qui sonne terriblement faux. Et comme j’ai peur d’être coincée dans ce schéma toxique, cela me rend mélancolique.

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2022-11-22T18:23:26+01:00
https://demolition.journalintime.com/Le-message Le message Petite note, si elle est lue un jour par quelqu'un : cet écrit est, je trouve, assez décousu. Peut-être qu'il est clair lorsqu'il est parcouru par un oeil nouveau, mais il me paraît si loin de ce que je ressens aujourd'hui. Je manque de précision et c'est super frustrant, ce n'est pas aussi libérateur que toutes les autres fois où j'ai publié sur mon journal... Si je n'aurais pas dû être chez moi cette nuit, je me dis que j'échappe à une soirée qui m'aurait sans doute fait plus de mal que de bien. Si j'aurais dû me blottir dans les bras d'un homme ce soir, je me dis que Petite note, si elle est lue un jour par quelqu’un : cet écrit est, je trouve, assez décousu. Peut-être qu’il est clair lorsqu’il est parcouru par un oeil nouveau, mais il me paraît si loin de ce que je ressens aujourd’hui. Je manque de précision et c’est super frustrant, ce n’est pas aussi libérateur que toutes les autres fois où j’ai publié sur mon journal…


Si je n’aurais pas dû être chez moi cette nuit, je me dis que j’échappe à une soirée qui m’aurait sans doute fait plus de mal que de bien. Si j’aurais dû me blottir dans les bras d’un homme ce soir, je me dis que j’échappe à une soirée qui m’aurait sans doute bien trop secouée.

J’ai failli faire une erreur, et je le sentais. Un peu avant de sortir de chez moi, j’avais le cerveau en feu, les jambes qui tremblaient et l’angoisse qui montait dans ma poitrine ; cela faisait quelques jours qu’un ancien crush me reparlait et on avait décidé de se revoir chez lui. Sauf qu’au fond, quelque chose n’allait pas. Sauf qu’au fond, je me forçais à être prête.

On avait beau passer nos journées et nos nuits à nous chauffer, à imaginer ce qu’on pourrait à nouveau faire ensemble et à s’envoyer des photos, il a fini par me faire comprendre que je ne savais plus faire semblant. Si je sais faire la différence entre amour et sexe, si, après tout, me faire du bien aux côtés de ce mec n’aurait jamais été la chose la plus désagréable qu’il soit, j’ai fini par dire la vérité. J’ai attrapé mon portable, j’ai répondu à un message dans lequel il me demandait si je me souvenais comment venir chez lui et il m’a alors sorti un "Ferme ta gueule et viens, petite pute. Fais ouaf pour voir ?".

Cela faisait plusieurs jours que ses propos étaient à la limite de l’humiliation ; et si certains trucs m’excitent lorsqu’ils sont dits dans le feu de l’action, d’autres, lorsque je suis en train d’angoisser, me font perdre toute ma libido. Je lui ai alors expliqué que j’avais la flemme de venir, que ça me gênait qu’il me parle comme ça. Puis j’ai fini de me préparer, persuadée qu’il allait s’excuser et me dire qu’il avait été trop loin - mais à la place, il m’a juste bloquée de partout après m’avoir sorti "Au final je suis trop fatigué, ne viens pas ce soir".

J’ai failli écrire que je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, mais au bout du compte, cela m’a permis de passer la soirée avec ma famille. Il est vrai que je n’en mène pas large depuis tout à l’heure et que sa réaction me donne envie de vomir, mais après tout, c’est peut-être pour cela que je me sentais mal plusieurs heures avant d’y aller. Ce n’est pas la première fois qu’il m’insulte et que je me laisse faire, alors cette fois, j’ai simplement dit que cela pouvait me déranger. Il y a deux ans, il se calmait dès que je lui disais que ce n’était pas le moment, mais là, il a été très différent - et pas désirable du tout, de mon point de vue.

C’est une sensation indescriptible et déroutante ; et je me sens peut-être ainsi car j’étais juste curieuse de comment la nuit aurait pu se dérouler. S’il avait été quelqu’un de respectueux ou de juste gentil, nous aurions tous les deux passé un bon moment et il n’aurait pas eu besoin de me supprimer de partout. Qu’on se revoit de temps en temps ou que ce soit, un peu comme quand je l’avais vu il y a deux ans, un coup d’un soir qui ne débouche sur pas grand chose.

"Viens, je rigolais."

Il n’a pas apprécié que je le remette à sa place, et ce n’est donc peut-être pas plus mal que je sois seule ce soir. C’est dingue qu’il ait été piqué par ma franchise à ce point et qu’il ait carrément annulé notre rendez-vous alors que la seule chose qu’on voulait n’était de toute façon pas incroyable. J’avais juste envie qu’on me fasse du bien. Je dois me recentrer sur mon objectif premier : guérir.

Et puis, après cette petite désillusion, la réalité m’a frappée encore plus fort - et pourtant, ce début de soirée était déjà assez humiliant pour moi. J’ai reçu un pavé d’une vingtaine de lignes, un long message sur mon portable : ça venait d’Elsa, la maman de celui avec qui tout se passait bien à l’extérieur mais avec qui j’ai fini par comprendre qu’il fallait que je me soigne seule. La maman de celui que j’ai quitté, la maman du mec dont je parle dans ce post.

"...et je ne sais toujours rien de plus d’ailleurs… car je suis entourée de mecs qui ne s’expriment pas..."

Elle me dit qu’elle vient d’apprendre seulement aujourd’hui que nous ne sommes plus ensemble et que cette annonce l’affecte profondément. Elle culpabilise et se sent démunie car autour d’elle, elle n’a plus qu’un homme et des fils qui ne lui parlent pas. C’est vrai que dans la famille, c’était assez spécial et difficile de discuter ; ce contraste d’une maman sociable et de mecs silencieux faisait presque cliché. Elle me fait comprendre qu’elle culpabilise sur énormément de choses dans sa vie et qu’elle aurait adoré rencontrer mes proches, qu’elle aurait aimé discuter avec ma maman.

J’ai pleuré. J’essaierai de lui répondre demain, elle qui n’aura de toute façon aucune explication de mon ex copain tant il ne dit rien.

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2022-11-21T00:30:59+01:00
https://demolition.journalintime.com/Ou-suis-je-passee Où suis-je passée ? Si je ne cesse de répéter qu'il faut me démolir avant de me reconstruire, c'est peut-être aussi par erreur ; il reste sans doute quelques fragments importants à récupérer et à guérir sous toutes les blessures qu'on m'a infligées. "La thérapie EMDR est censée permettre au cerveau de retraiter les informations enregistrées lors du trauma afin de les débarrasser de leur charge affective." J'ai beau éplucher tous les articles qui évoquent l'état de stress post-traumatique, je me demande souvent si ma façon de faire est la bonne. Est-ce que me soigner seule ne serait pas
Si je ne cesse de répéter qu’il faut me démolir avant de me reconstruire, c’est peut-être aussi par erreur ; il reste sans doute quelques fragments importants à récupérer et à guérir sous toutes les blessures qu’on m’a infligées.

"La thérapie EMDR est censée permettre au cerveau de retraiter les informations enregistrées lors du trauma afin de les débarrasser de leur charge affective."

J’ai beau éplucher tous les articles qui évoquent l’état de stress post-traumatique, je me demande souvent si ma façon de faire est la bonne. Est-ce que me soigner seule ne serait pas contreproductif ?

Il y a un peu plus d’un an, j’ai pris rendez-vous avec une psychologue. Ce n’était pas trop loin de chez moi, j’étais nerveuse et stressée parce que c’était la toute première fois que j’allais parler de ce qui s’est passé à quelqu’un, mais je me sentais prête à y aller.

Et puis, une fois devant la professionnelle, j’ai parlé. Comme un robot, je me suis mise à décrire les scènes, à me perdre parfois dans la chronologie des choses, à débiter sur des événements dont je ne pensais même pas parler. Je ne crois pas que ça m’ai fait beaucoup de bien au fond, mais sur le coup, je me sentais fière de parler de tout ça.

Et même si c’était ce que je devais faire, j’ai eu mal au coeur lorsque je suis sortie de la pièce. Quand la porte s’est refermée derrière moi, j’ai eu l’impression de m’être souillée, d’avoir beaucoup trop parlé comme une victime, d’avoir dit des choses fausses et décousues. D’avoir, quelque part, révélé un mal-être que je me contentais de cacher depuis de trop nombreux mois.

"Donc, on peut mettre un mot dessus, maintenant, vous savez. C’est un viol. C’est un viol."

Après ça, je suis retombée dans mes travers et j’ai retrouvé le confort que le silence m’apporte : le déni a enfoui mes souvenirs et je n’ai plus voulu les ressortir. Je me suis un petit peu renseignée sur certaines thérapies comme l’EMDR ou la frise chronologique, j’ai commencé à comprendre que c’était grave et que je pouvais peut-être guérir. Les flashbacks me hantent encore beaucoup, ils m’attaquent toujours dès que j’embrasse quelqu’un et il est difficile voire impossible pour moi d’avoir des relations sexuelles sans faire de crise de panique, sans pleurer et sans perdre connaissance.

C’est comme si mon cerveau se perdait dans l’association des choses, comme s’il mélangeait tout, comme s’il sortait mes souvenirs et mes émotions pour les connecter dans le désordre. Et lorsqu’il se rend compte que plus rien n’a de sens, il s’éteint complètement. Et alors je m’évanouis littéralement, j’angoisse et je convulse, je tremble de tout mon être et je prie pour qu’à cet instant, mon coeur puisse juste cesser de battre.

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2022-11-15T12:15:43+01:00
https://demolition.journalintime.com/4h30-sur-le-pas-de-la-porte 4h30, sur le pas de la porte Adossé contre le mur en crépi de la maison, alors que la nuit noire donne à notre conversation un goût presque mélancolique, il me balance les pires cruautés à la figure. Il m'explique qu'après tout, je n'ai jamais su m'ouvrir à lui et qu'à l'époque, "notre relation, c'était plus du physique qu'autre chose, pas vrai ?". Il porte sa cigarette à la bouche pour la centième fois de la soirée, il vacille un peu, se remet de ce qu'il vient de dire pour se raviser et m'expliquer qu'il n'aime pas ses propres paroles. Je peine à le comprendre, lui qui est de toute façon bourré et
Adossé contre le mur en crépi de la maison, alors que la nuit noire donne à notre conversation un goût presque mélancolique, il me balance les pires cruautés à la figure. Il m’explique qu’après tout, je n’ai jamais su m’ouvrir à lui et qu’à l’époque, "notre relation, c’était plus du physique qu’autre chose, pas vrai ?".

Il porte sa cigarette à la bouche pour la centième fois de la soirée, il vacille un peu, se remet de ce qu’il vient de dire pour se raviser et m’expliquer qu’il n’aime pas ses propres paroles.

Je peine à le comprendre, lui qui est de toute façon bourré et défoncé. Il a beau passer ses soirées à noyer ses addictions sous des tisanes bien chaudes, rien ne change : c’est toujours l’homme le plus méchant auquel j’ai parlé. Entre moqueries et remarques déplacées sur mon physique, sur ma coiffure ou sur mes sourcils, je n’ai pas réussi à capter où il voulait en venir. Cela fait cinq ans que notre relation s’est terminée, cinq ans que je lui laisse l’opportunité de discuter de ce qui le touche peut-être encore dans cette rupture vieillissante - et pourtant, il reste inhumain.

"En fait, tu es une boule d’énergie émotionnelle qui ne peut pas exploser."

Il fait de grands gestes de la main pour me montrer mon corps, me toise de haut en bas. Alors qu’il n’est au courant de rien, il se met alors à me dire qu’il sent, dans mes yeux, que j’ai vécu des violences. Il me parle de maladie mentale, de dédoublement de la personnalité et surtout, il me parle de viol. Comment est-ce possible qu’un ancien amoureux s’adresse à une ancienne amoureuse avec tant d’irrespect ? Sa pseudo-analyse de ma personnalité me répugne, je me crispe, il le sent et ose me dire qu’à ce moment, il n’aime pas le regard que j’ai pour lui.

C’est vrai, ce mec me disait déjà des choses très discutables lorsqu’on est sortis ensemble. Des blagues de cul qui mettaient tous nos amis mal à l’aise, des allusions plus que machistes et pédophiles. Il se prend pour un psychiatre ou pour quelqu’un qui s’y connaît - et c’est vrai, il est rarement à côté de la plaque lorsqu’il analyse quelqu’un. Mais pourquoi le faire sans mon consentement ? Pourquoi me parler de viol alors qu’il n’est pas encore certain que c’est par là que je suis passée ? Pire encore : pourquoi me parler de mon corps alors qu’il pense qu’on en a abusé ?

"Au lieu de tout rejeter sur les autres comme le fait tout le monde, toi, tu prends sur toi. Et c’est ton plus grand défaut."

Et là, alors que je retiens mes larmes comme je peux, alors qu’il piétine absolument tout sur son passage, son monologue interminable se clôt par une blague. Je le regarde dans les yeux et je me vois lui attraper le crâne et le fracasser contre le mur de la maison ; cette conversation était la dernière chose dont j’avais besoin en ce moment. Alors à la place, j’éclate en pleurs et je claque la porte derrière moi avant de m’enfermer dans les toilettes. Tous les autres comprennent qu’un truc ne va pas, certains ont un peu trop bu et frappent à la porte. "Sophie elle est aux chiooooottes, heuuuu !"

Accroupie au sol, je ne comprends pas ce qui vient de se passer. J’ai presque l’impression que c’est un cauchemar et qu’il est impossible qu’il m’ait dit tout ça. C’est impossible, pas vrai ? Il ne peut pas m’avoir dit autant de mauvaises choses après ce qu’on a vécu - c’était une courte histoire de quelques mois lors de laquelle j’avais eu de grosses crises de panique et où certains traumatismes faisaient surface pour la première fois, mais dans l’ensemble, on s’aidait mutuellement comme on le pouvait. Ce mec est peut-être encore plus brisé que moi, mais son comportement reste illégitime ; il a brisé tout le respect que j’avais pour lui.

Et puis, ça m’a choquée. Au tout début de la conversation, j’avais même pensé qu’il souhaitait parler de nous deux alors je lui ai expliqué que oui, il avait peut-être raison sur certains points, que s’il voulait, j’étais d’accord pour en parler, que c’était sans doute pour les mêmes problèmes qu’aujourd’hui j’étais célibataire et que… "Non Sophie, je suis quelqu’un de froid et de méchant. Si tu veux discuter de ton passé, ce sera avec quelqu’un d’autre. Moi, je ne suis pas là pour ça". Cruel. Inhumain. Nul. Illogique. A ce moment, une seule question tourne et retourne mon cerveau dans tous les sens, agite tout ce que je pensais savoir sur les rapports humains : pourquoi est-ce que je laisse quelqu’un me parler comme ça ?

Cette conversation m’a cassée en mille morceaux.

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2022-11-14T20:07:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/Objectif-m-aimer Objectif : m'aimer Il serait sans doute dangereux voire étrange d'être certaine de ce que je fais ; et je pense qu'il faut m'y habituer, que la vie est emplie d'incertitudes et d'évidences qui se brisent un jour où l'autre. Alors, on jongle, de vérité en vérité, et on profite du présent, on évolue en pensant à la suite et en essayant, à la fois, d'y penser le moins possible. Dans ma tête, c'est le désordre - sans doute parce qu'un peu plus tôt dans la semaine, j'ai revu l'homme que j'aime encore pour récupérer mes dernières affaires. Il est vexé car j'ai supprimé nos photos sur les
Il serait sans doute dangereux voire étrange d’être certaine de ce que je fais ; et je pense qu’il faut m’y habituer, que la vie est emplie d’incertitudes et d’évidences qui se brisent un jour où l’autre. Alors, on jongle, de vérité en vérité, et on profite du présent, on évolue en pensant à la suite et en essayant, à la fois, d’y penser le moins possible.

Dans ma tête, c’est le désordre - sans doute parce qu’un peu plus tôt dans la semaine, j’ai revu l’homme que j’aime encore pour récupérer mes dernières affaires. Il est vexé car j’ai supprimé nos photos sur les réseaux sociaux ; je comprends sa frustration, mais il m’en a parlé jusque tard dans la nuit hier et la culpabilité m’a tellement rongée que j’ai eu du mal à m’endormir. Pour des photos supprimées. Parce que son absence est difficile. Parce que j’ai peur à l’idée d’affronter mon passé et de constater l’ampleur des dégâts qu’il a causés. Pour tout ça.

"C’était un peu un prétexte pour qu’on puisse se revoir. Maintenant qu’on n’a plus ce prétexte, on se reverra quand, tu penses ?"

Ce dont je suis certaine, c’est qu’on ne gère pas notre rupture de la meilleure des façons. Si j’ai décidé de freiner mes visites et mes messages depuis que j’ai récupéré toutes mes affaires, il a l’air difficile pour lui de tout abandonner. Il ne m’envoie plus rien mais m’a expliqué qu’il se bride comme jamais et se force à ne pas m’appeler alors qu’il en meurt d’envie - ce que je comprends totalement car moi aussi. Mais ma décision est prise, je ne veux plus le faire souffrir et je ne veux plus de cette culpabilité qui m’a rongée de si nombreux mois.

Je veux qu’il s’aime sans moi. Je veux m’aimer sans lui, je veux prendre soin de moi sans plus jamais craindre ce que les autres pourraient me faire subir. Parfois, j’essaie de me souvenir des pensées que j’avais il y a un ou deux ans ; étais-je sûre de ce que je faisais ? Non, pas vraiment, je crois. Et pourtant, ces doutes et ce chemin imprécis m’ont laissé découvrir des gens et des endroits magnifiques. C’est tout ce qui compte à la fin de la vie, je crois bien. On grandit. Parfois en mal, parfois en bien - mais au final, c’est cette dualité qui nous fait vivre.

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2022-11-08T23:48:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/recognition Recognition Même si ma santé mentale occupe toutes mes pensées ces derniers jours, réfléchir à mon évolution au travail est aussi une belle façon d'avancer. Je me suis promis d'écrire pour guérir mais pour l'instant, il me semble difficile voire impossible de débuter cette catharsis. J'ai sans doute besoin d'un peu de temps pour moi ; les journées à ne rien faire me manquent terriblement. J'ai l'impression que le temps aspire toute mon énergie et que les angoisses transforment les heures en secondes et les secondes en heures. Quelquefois, je n'ai plus de repère. Alors je m'accroche aux Même si ma santé mentale occupe toutes mes pensées ces derniers jours, réfléchir à mon évolution au travail est aussi une belle façon d’avancer. Je me suis promis d’écrire pour guérir mais pour l’instant, il me semble difficile voire impossible de débuter cette catharsis. J’ai sans doute besoin d’un peu de temps pour moi ; les journées à ne rien faire me manquent terriblement.

J’ai l’impression que le temps aspire toute mon énergie et que les angoisses transforment les heures en secondes et les secondes en heures. Quelquefois, je n’ai plus de repère. Alors je m’accroche aux jours qui passent, en espérant naïvement que l’un d’entre eux sera différent - ou bien que je serai assez courageuse pour me prendre en main plus tard, puis quand demain arrive, je le serai demain, et puis quand c’est après-demain, je le serai demain encore. Je vacille entre espoir et crainte, je m’enfonce entre l’envie d’aller bien et la peur de ne plus jamais y arriver.

"Un grand merci à toi, hâte de retravailler ensemble."

Alors du coup, le temps de trouver la force d’écrire sur ce qui me martèle le coeur, je me concentre sur un autre truc important : le travail. J’aime me mettre à fond dedans pour oublier, un peu comme quand on sort toute la nuit pour se vider la tête ; comme j’adore ce que je fais, travailler a vraiment un impact positif sur mon humeur. C’est physique, j’ai la flemme d’y aller parfois, mais mes rencontres me font grandir.

Il y a quelques jours, j’ai eu envie de relire le mot qu’une supérieure m’avait laissé, un mot adorable qui m’avait beaucoup touchée. A l’intérieur, elle me remerciait de faire vivre l’équipe et d’être impliquée dans le projet que certains de mes collègues et moi-même mettons en place. On publie un journal interne tous ensemble depuis l’été dernier ; et si notre métier ne touche pas du tout à la rédaction et au graphisme, tout le monde est à fond ! Je me connecte à mon compte professionnel, je vérifie que le message s’y trouve encore et là, je remarque que ce n’est plus le seul.

"Ce petit message pour te dire que tu es une partenaire de travail incroyable !"

Depuis, je suis juste trop heureuse. Depuis, impossible de dissimuler mon sourire ; cela m’a fait un bien fou, sans doute parce que j’ai si peu confiance en moi ces jours-ci. J’ai également pu savoir qui avait envoyé cette "Reconnaissance" - c’est comme ça qu’on appelle ce genre de compliments là où je suis - et ça m’a fait très plaisir. Ca vient d’un homme que je connais peu en dehors du travail mais sur qui je peux toujours compter. C’est presque irréel qu’un tel message vienne de lui, lui qui se donne tellement à fond dans ce qu’il fait.

Quand j’ai lu ce nouveau message si bienveillant, mon coeur a fondu, j’ai lâché un "Awww..." et j’ai compris que ce genre de petit merci me donne envie de foncer ! Je veux me lancer, montrer qui je suis aux autres, me réaliser au sens propre du terme. Merci à la bienveillance d’exister, merci à cette personne qui suscite des ondes si positives chez moi.

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2022-11-07T23:11:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/Mecanique-du-coeur Mécanique du coeur C'est comme si je n'étais plus que spectatrice de tout ce que je fais ; parfois, un peu comme lorsque je conduis sur un chemin que je connais par coeur, je perds le fil mais je continue. Comme une petite automate, je ne me pose plus aucune question, je ne ressens plus d'émotions, je deviens mécanique, je ne me demande plus ce que je fais ici. Lorsque l'interrogation m'effleure, elle est vite oubliée. Et cette fâcheuse habitude, à moins qu'elle ne soit temporaire, est et sera à tout jamais mon plus grand défaut, je crois bien. C'est comme si mon énergie était sans cesse au plus bas, C’est comme si je n’étais plus que spectatrice de tout ce que je fais ; parfois, un peu comme lorsque je conduis sur un chemin que je connais par coeur, je perds le fil mais je continue. Comme une petite automate, je ne me pose plus aucune question, je ne ressens plus d’émotions, je deviens mécanique, je ne me demande plus ce que je fais ici. Lorsque l’interrogation m’effleure, elle est vite oubliée.

Et cette fâcheuse habitude, à moins qu’elle ne soit temporaire, est et sera à tout jamais mon plus grand défaut, je crois bien. C’est comme si mon énergie était sans cesse au plus bas, comme si une cicatrice inguérissable s’était creusée en mon coeur.

Je me réveille sans but précis, je travaille en feignant la conviction et la confiance, j’essaie de m’ancrer dans l’espace mais cette impression de vide intérieur ne fait que bâtir ce mur entre le monde et moi-même. Et petit à petit, je me durcis ; peut-être ai-je besoin d’être seule pour guérir, mais j’ai l’impression de devoir réapprendre à me connaître. Qui suis-je, au fond ?

"Pour ma part, j’ai noté que tu es quelqu’un sur qui on peut compter, mais aussi que tu ne te mets pas assez en avant."

J’ai échangé quelques mots avec un de mes supérieurs il y a quelques semaines, et il m’a fait remarquer que ma discrétion peut malheureusement me desservir. Et si cette conversation avait surtout un objectif professionnel, elle résonne en moi depuis pas mal de jours. Je ne me sens pas épanouie sous cette réserve que j’ai forgée autour de moi, sous cette carapace qui ne dégage plus grand chose. Et je sais exactement pourquoi je n’arrive pas à montrer aux autres celle que je suis : je ne le sais pas moi-même.

Il faudrait que je puisse comprendre tous les rouages de mon coeur et tous ses tréfonds pour savoir où j’en suis, et cela va prendre du temps. C’est d’ailleurs pour ça que je me suis remis à écrire. C’est quelque chose que je fais depuis que je suis enfant et j’ai subitement arrêté lorsque je me suis mise en couple, comme si l’autre mais aussi les autres en général devenaient plus importants que mes propres raisons de vivre.

Mais où est passée ma verve, où est passée mon inspiration ? Elles sont tapies ailleurs mais je ferai tout ce que je peux pour les récupérer. Je veux à tout prix leur redonner vie, elles qui logent sans doute encore quelque part en moi. Je veux à tout prix revivre un peu dans ce monde onirique que j’arrivais à créer en tapant quelques lignes sur le clavier.

"C’est vrai, je crois savoir communiquer mais j’ai l’impression que mon manque de confiance en moi me bloque un petit peu."

J’ai la sensation étrange d’être perdue entre souvenirs et présent. Aucun chemin n’est linéaire bien longtemps, mais comment ai-je pu perdre ma propre trace ? Je me retourne et je me reconnais vaguement, je regarde la Sophie d’avant et cette vision m’inonde de mélancolie. On dirait presque qu’il serait facile de remonter en arrière mais qu’il serait moralement compliqué de le faire. Car à quoi bon ? J’ai envie d’évoluer, bien que je ne sache plus vraiment par où et par quoi commencer.

Alors s’il faut décortiquer mon esprit et faire le tri dans ma tête, je le ferai à fond. Je ne sais pas encore si j’aurai besoin d’outils, de livres ou de musique, mais je fais déjà revenir l’écriture petit à petit dans ma vie. J’ai l’impression de tâtonner, mais pour la première fois depuis des mois, je peux enfin le dire : je ne suis plus un robot.

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2022-11-04T17:35:00+01:00
https://demolition.journalintime.com/3vai-L-etape-cruciale L'étape cruciale Les mains moites, les larmes aux yeux, la peur au ventre, je me suis lancée et j'ai tout arrêté. Mes paroles ont ralenti et accéléré le temps à la fois, on a parlé pendant des heures ; et on ne savait plus si on devait pleurer ou se serrer aussi fort que possible. Son visage qui se déforme et ma voix qui sonne grave m'ont presque traumatisée. Et puis, l'air sûre de moi, je lui ai expliqué que j'allais prendre mes affaires et rentrer à la maison, loin de lui, loin de nous. Sauf qu'en réalité, je n'étais pas certaine et je ne suis pas encore certaine de ce que j'ai fait la
Les mains moites, les larmes aux yeux, la peur au ventre, je me suis lancée et j’ai tout arrêté. Mes paroles ont ralenti et accéléré le temps à la fois, on a parlé pendant des heures ; et on ne savait plus si on devait pleurer ou se serrer aussi fort que possible. Son visage qui se déforme et ma voix qui sonne grave m’ont presque traumatisée.

Et puis, l’air sûre de moi, je lui ai expliqué que j’allais prendre mes affaires et rentrer à la maison, loin de lui, loin de nous.

Sauf qu’en réalité, je n’étais pas certaine et je ne suis pas encore certaine de ce que j’ai fait la semaine dernière. En réalité, j’ai peur d’avoir fait une énorme bêtise. En réalité, je suis toujours aussi mal parce que ce n’est qu’un premier pas vers ma guérison - qui arrivera, je l’espère. Si les autres voyaient mon mal-être grandir et me savaient au plus mal, ils n’ont pas compris notre séparation.

"Si tout se passait bien entre vous, pourquoi elle t’a quitté ?"

J’ai si peur que cette question me revienne dans la figure si un jour je regrette, comme si le couple était une fin en soi, comme si mes émotions n’avaient plus grand chose à me dire. Cela fait des mois que je ne ressens plus que du vide, un vide qui me submerge - un peu comme un immense trou noir qui m’aspire et me rejette à la fois, un peu comme le vent qui me déséquilibre, un peu comme une vague qui me noie.

Alors, en boule dans notre ancien canapé-lit, pendant qu’il se faisait une bière avec les copains, j’ai réfléchi. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait ça, mais j’ai essayé de plus penser à moi qu’à lui. Je n’ai pas réussi, mais cette petite introspection m’a tout de même poussée à m’en aller.

Il m’est impossible de me soigner dans un présent où le passé surgit constamment, où des flash me poursuivent dès que ses lèvres caressent les miennes. Il m’est impossible d’avoir peur de lui alors qu’il m’a toujours protégée. Je ne peux pas croire que mon cerveau associe cet homme aux plus horribles choses de ma vie. Alors je me suis regardée moi-même, et j’ai compris que j’étais la seule personne capable de faire cesser cette douleur grandissante.

"Pourquoi est-ce que tu fais les choses comme ça ? On pourrait faire autrement, je suis sûr qu’on pourrait faire autrement… On s’aime !"

Il s’est énervé. Cette colère, cette envie d’être avec moi, cette ardeur, cette peine… il a réussi à concentrer toutes ces émotions dans son regard et j’ai presque hésité. La pression n’est pas encore redescendue - je me sens encore très coupable de ce que je lui ai fait subir. Mais au fond de moi, il y a eu un moment où j’ai appris quelque chose de plus important que n’importe quoi d’autre.

Je me suis levée du canapé-lit, je n’ai pas rangé les couvertures et je suis partie dans la salle de bain. Incapable de pleurer, éprise d’un gigantesque sentiment de honte, je me suis observée dans le miroir. Dans mes yeux, j’ai vu de petites égratignures mais aussi des blessures plus profondes. Et j’ai appris que la seule pour qui je devais être là à présent, c’était moi-même.

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2022-11-01T19:54:00+01:00