Où suis-je passée ?
Si je ne cesse de répéter qu’il faut me démolir avant de me reconstruire, c’est peut-être aussi par erreur ; il reste sans doute quelques fragments importants à récupérer et à guérir sous toutes les blessures qu’on m’a infligées.
"La thérapie EMDR est censée permettre au cerveau de retraiter les informations enregistrées lors du trauma afin de les débarrasser de leur charge affective."
J’ai beau éplucher tous les articles qui évoquent l’état de stress post-traumatique, je me demande souvent si ma façon de faire est la bonne. Est-ce que me soigner seule ne serait pas contreproductif ?
Il y a un peu plus d’un an, j’ai pris rendez-vous avec une psychologue. Ce n’était pas trop loin de chez moi, j’étais nerveuse et stressée parce que c’était la toute première fois que j’allais parler de ce qui s’est passé à quelqu’un, mais je me sentais prête à y aller.
Et puis, une fois devant la professionnelle, j’ai parlé. Comme un robot, je me suis mise à décrire les scènes, à me perdre parfois dans la chronologie des choses, à débiter sur des événements dont je ne pensais même pas parler. Je ne crois pas que ça m’ai fait beaucoup de bien au fond, mais sur le coup, je me sentais fière de parler de tout ça.
Et même si c’était ce que je devais faire, j’ai eu mal au coeur lorsque je suis sortie de la pièce. Quand la porte s’est refermée derrière moi, j’ai eu l’impression de m’être souillée, d’avoir beaucoup trop parlé comme une victime, d’avoir dit des choses fausses et décousues. D’avoir, quelque part, révélé un mal-être que je me contentais de cacher depuis de trop nombreux mois.
"Donc, on peut mettre un mot dessus, maintenant, vous savez. C’est un viol. C’est un viol."
Après ça, je suis retombée dans mes travers et j’ai retrouvé le confort que le silence m’apporte : le déni a enfoui mes souvenirs et je n’ai plus voulu les ressortir. Je me suis un petit peu renseignée sur certaines thérapies comme l’EMDR ou la frise chronologique, j’ai commencé à comprendre que c’était grave et que je pouvais peut-être guérir. Les flashbacks me hantent encore beaucoup, ils m’attaquent toujours dès que j’embrasse quelqu’un et il est difficile voire impossible pour moi d’avoir des relations sexuelles sans faire de crise de panique, sans pleurer et sans perdre connaissance.
C’est comme si mon cerveau se perdait dans l’association des choses, comme s’il mélangeait tout, comme s’il sortait mes souvenirs et mes émotions pour les connecter dans le désordre. Et lorsqu’il se rend compte que plus rien n’a de sens, il s’éteint complètement. Et alors je m’évanouis littéralement, j’angoisse et je convulse, je tremble de tout mon être et je prie pour qu’à cet instant, mon coeur puisse juste cesser de battre.