Démolition


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'Therapy'

"Le coeur meurtri par le mal, gonflé par le vide,
Je me perds, je sombre sans comprendre la dualité ;
J’essaie de tout reconstruire, de tout remonter,
Alors qu’il faudrait couper mes racines fétides."

L'autre monde

Un peu comme après une rupture amoureuse, j'ai le coeur en mille morceaux : où est ma verve, où sont mes passions, où est ma fougue ? Je me souviens de comment je pouvais me lover dans les mots et de ce que l'écriture m'apportait - et pourtant, je ne prends plus cette peine. Je ne prends plus la peine de transformer mes pensées en prose, de coucher mes angoisses sur un papier et de m'inventer un monde parallèle où tout me protège. Et malgré mes peurs, je continue à me faire confiance ; quand j'étais enfant, je cauchemardais à l'idée de perdre mes mains - cela aurait été (...)

Redevenir moi

C'est fou comme elle m'avait manqué - cette électricité au bout des doigts, ce tourbillon qui secoue tout dans ma tête, ces frissons qui me donnent envie d'écrire jusqu'à la mort -, cette verve qui dormait au fond de moi. Devant le miroir, j'ai le corps endolori par la vie, fatigué par mon accident, crevé par mes maux et ceux des gens ; et devant ce spectacle, j'ai enfin vu ce qui n'allait pas. La vérité m'a alpaguée, m'a sauté au visage, s'est fait accepter. Je me regarde tous les jours dans le miroir mais je ne l'avais plus vue depuis si longtemps : la vraie moi. Une femme de (...)

Confrontation

Il y a eu un court silence dans la pièce lorsque je l'ai vue ; le temps s'est arrêté, le témoin à côté de moi s'est brusquement tu lui aussi, perturbé par son arrivée. Derrière la vitre de la porte, trempée par une averse soudaine, je l'ai reconnue alors qu'elle n'était pas encore devant moi. Elle n'est pas venue seule mais ce visage, cette allure, ces longs cheveux bruns et ce regard, c'était comme si je ne voyais plus qu'elle. "Oui voilà, on a volé ma voiture et je viens pour la confrontation, il y a eu un accident." A partir de ce moment, j'ai eu du mal à la regarder (...)

La blessure invisible

Moi qui ne la pensais pas si profonde, moi qui croyais la soigner en écrivant, moi qui espérais que le temps calmerait les choses, j'ai l'impression de combattre un fantôme. Car c'est impossible : ma blessure, celle qui me fait si mal, je ne sais pas où elle est. Elle se cache, m'appuie sur le coeur, me noie dans mes larmes, me déchire tout espoir et m'écrase contre le sol. "Tu sais Sophie, on est là pour toi. Tu n'en as peut-être pas l'impression, mais même ton grand frère est là. Il demande toujours comment tu vas." Alors je fantasme sur ce que serait ma vie si je n'avais pas (...)

Les maux du corps

Une minerve serrée autour du cou, les scènes passent et repassent des dizaines de fois dans ma tête ; j'ai l'impression d'avoir tous les éléments sous les yeux. Et un peu comme les pièces d'un puzzle, ils s'accrochent, se défragmentent, se ressemblent, se confondent les uns avec les autres. "J'ai failli te perdre. Alors cet électrochoc, le soir de l'accident, c'est un électrochoc positif." Cela fait deux semaines qu'une étrange mélancolie me ronge et que mes sentiments virevoltent d'extrême en extrême. J'ai encore des visions et des douleurs qui m'attaquent au dos, au cou et (...)

La rage de vivre

Cet accident, c'est la porte de sortie que je cherche depuis plusieurs mois ; c'est le déclic, la gifle, la vrille, le choc, la vibration que mon corps avait besoin de ressentir pour sentir sa place dans le monde. J'ai téléphoné à l'homme qui m'a sauvée - il m'a donné de terribles détails sur ce qui s'est réellement passé. "Il y a eu de la fumée qui a commencé à s'échapper de l'avant de la voiture, alors on a fait aussi vite qu'on a pu. Je n'avais qu'une idée en tête : vous sortir de là, morte ou vivante." Ma voiture n'a fait aucun tonneau : la collision l'a fait voler (...)

Le miracle

Shadows of Sins Ma tête qui frappe un peu partout, ma main crispée sur le levier de vitesse, mon corps qui se raidit face aux chocs et mon âme toute entière qui hurle. "Non, je ne veux pas mourir, pas comme ça, pas ce soir !" Il y a d'abord eu un bruit effrayant : c'est la première fois de ma vie que j'ai pu entendre le temps s'arrêter. On m'est rentré dedans à une vitesse si violente ; le crissement des freins sur le pétrole et l'énorme fracas à l'arrière de ma voiture me reviennent encore et encore à l'esprit. Un peu comme un cauchemar éveillé, je retrace le scénario (...)

Guérir par le mal

La boule au ventre, trempée, les doigts crispés autour du mât de mon parapluie, j'attends le bus ; j'ai presque envie qu'il ne passe pas, j'ai presque envie de me recoucher dans mon lit pour retrouver les cauchemars que je connais si bien. J'ai peur de l'inconnu. J'ai peur de voir une psy. Il y a deux jours, j'ai rêvé que je tuais quelqu'un et qu'on accusait une innocente à ma place - j'ai cru que c'était vrai mais j'ai laissé faire, je me souviens avoir pensé "je ne sais pas pourquoi j'ai fait une chose pareille, mais je n'ai que vingt-quatre ans. Je ne peux pas pourrir en prison ! (...)

Amnesia

Les jambes encore tremblantes, je grimpe sur la banquette arrière de la voiture ; ses parents à l'avant, lui et ses soeurs à l'arrière, on vient de manger au restaurant tous ensemble mais je me sens encore si mal. Je me rappelle encore beaucoup trop bien de ce qui s'est passé la veille, même si j'aimerais tant me persuader de n'avoir jamais vécu des choses pareilles. "Non, non... Arrête, s'il te plaît. Je n'ai pas envie, c'est trop, Giovani. J'ai pas envie que tu fasses ça si fort." C'est lorsque j'attache ma ceinture de sécurité et que la boucle vient frotter mes seins que (...)

Les noeuds dans mon corps

Un par un, j'aimerais prendre le temps de les défaire ; si je déchire enfin ces noeuds qui m'empoisonnent toute entière, j'aurai l'impression d'avoir gagné. J'aurai l'impression d'avoir terrassé ces démons qui rongent mon corps, d'avoir vaincu ce virus qui rend mon âme si sombre, d'avoir annulé la plus longue maladie de ma vie. Si je desserre un petit peu ces chaînes qui m'enserrent le coeur, je ferai enfin disparaître les cauchemars et les flash qui hantent mes nuits. Mais la vérité, c'est que j'ai fini par avoir peur de tout : peur de parler devant les gens, peur d'écrire, (...)

La notification

S'il me semble impossible de poser un mot devant l'autre sans tout effacer immédiatement, c'est peut-être parce que je suis déboussolée par tout ce qui se passe. Tous les jours, j'ai hésité à poster - et j'ai manqué de temps pour moi, car je l'ai passé avec les gens que j'aime. C'est aussi ça, guérir : trouver le courage d'en parler aux autres et voir dans leurs yeux que je ne suis pas seule. Et si j'avais su à quel point cela me ferait du bien, je l'aurais fait depuis plus longtemps. "Du coup, il y a un truc dont tu voulais me parler, Sophie, c'est bien ça ?" "Oui, c'est un (...)

Cible en vue

J'adorerais mieux me connaître pour savoir comment reconnecter ces fils qui se détachent les uns des autres et pour couper les connexions qui ne devraient plus s'y faire. "Le cerveau a encodé en profondeur la mémoire traumatique, car les émotions étaient trop violentes à gérer." J'ai parfois l'impression d'être devant quelqu'un que j'aime mais aussi devant une parfaite inconnue - l'impression de savoir dans quels tiroirs fouiller pour guérir mais d'avoir peur de regarder tant mes cauchemars y moisissent depuis des années. Mais je me suis fait une promesse en ouvrant ce journal (...)

L'engrenage infernal

"[...] Je me disais qu'il te réservait toute sa douceur et son affect, mais je me suis sans doute trompée." Elle a beau être inconsolable et me faire de la peine, cette maman fait parfois réfléchir tous les problèmes de la société dans ses paroles. Je ressens alors tout ce que j'ai eu peur de ressentir : l'incompréhension, le jugement, le mépris, les vilaines curiosités qui s'accrochent comme des herbes sauvages, qui s'enroulent autour de tout ce qu'elles peuvent. Tant dans ma famille que dans la sienne, personne ne comprend mais surtout, personne ne sait ; les siens croient (...)

Le message

Petite note, si elle est lue un jour par quelqu'un : cet écrit est, je trouve, assez décousu. Peut-être qu'il est clair lorsqu'il est parcouru par un oeil nouveau, mais il me paraît si loin de ce que je ressens aujourd'hui. Je manque de précision et c'est super frustrant, ce n'est pas aussi libérateur que toutes les autres fois où j'ai publié sur mon journal... Si je n'aurais pas dû être chez moi cette nuit, je me dis que j'échappe à une soirée qui m'aurait sans doute fait plus de mal que de bien. Si j'aurais dû me blottir dans les bras d'un homme ce soir, je me dis que (...)

Où suis-je passée ?

Si je ne cesse de répéter qu'il faut me démolir avant de me reconstruire, c'est peut-être aussi par erreur ; il reste sans doute quelques fragments importants à récupérer et à guérir sous toutes les blessures qu'on m'a infligées. "La thérapie EMDR est censée permettre au cerveau de retraiter les informations enregistrées lors du trauma afin de les débarrasser de leur charge affective." J'ai beau éplucher tous les articles qui évoquent l'état de stress post-traumatique, je me demande souvent si ma façon de faire est la bonne. Est-ce que me soigner seule ne serait pas (...)

4h30, sur le pas de la porte

Adossé contre le mur en crépi de la maison, alors que la nuit noire donne à notre conversation un goût presque mélancolique, il me balance les pires cruautés à la figure. Il m'explique qu'après tout, je n'ai jamais su m'ouvrir à lui et qu'à l'époque, "notre relation, c'était plus du physique qu'autre chose, pas vrai ?". Il porte sa cigarette à la bouche pour la centième fois de la soirée, il vacille un peu, se remet de ce qu'il vient de dire pour se raviser et m'expliquer qu'il n'aime pas ses propres paroles. Je peine à le comprendre, lui qui est de toute façon bourré et (...)

Objectif : m'aimer

Il serait sans doute dangereux voire étrange d'être certaine de ce que je fais ; et je pense qu'il faut m'y habituer, que la vie est emplie d'incertitudes et d'évidences qui se brisent un jour où l'autre. Alors, on jongle, de vérité en vérité, et on profite du présent, on évolue en pensant à la suite et en essayant, à la fois, d'y penser le moins possible. Dans ma tête, c'est le désordre - sans doute parce qu'un peu plus tôt dans la semaine, j'ai revu l'homme que j'aime encore pour récupérer mes dernières affaires. Il est vexé car j'ai supprimé nos photos sur les (...)

Recognition

Même si ma santé mentale occupe toutes mes pensées ces derniers jours, réfléchir à mon évolution au travail est aussi une belle façon d'avancer. Je me suis promis d'écrire pour guérir mais pour l'instant, il me semble difficile voire impossible de débuter cette catharsis. J'ai sans doute besoin d'un peu de temps pour moi ; les journées à ne rien faire me manquent terriblement. J'ai l'impression que le temps aspire toute mon énergie et que les angoisses transforment les heures en secondes et les secondes en heures. Quelquefois, je n'ai plus de repère. Alors je m'accroche aux (...)

Mécanique du coeur

C'est comme si je n'étais plus que spectatrice de tout ce que je fais ; parfois, un peu comme lorsque je conduis sur un chemin que je connais par coeur, je perds le fil mais je continue. Comme une petite automate, je ne me pose plus aucune question, je ne ressens plus d'émotions, je deviens mécanique, je ne me demande plus ce que je fais ici. Lorsque l'interrogation m'effleure, elle est vite oubliée. Et cette fâcheuse habitude, à moins qu'elle ne soit temporaire, est et sera à tout jamais mon plus grand défaut, je crois bien. C'est comme si mon énergie était sans cesse au plus bas, (...)

L'étape cruciale

Les mains moites, les larmes aux yeux, la peur au ventre, je me suis lancée et j'ai tout arrêté. Mes paroles ont ralenti et accéléré le temps à la fois, on a parlé pendant des heures ; et on ne savait plus si on devait pleurer ou se serrer aussi fort que possible. Son visage qui se déforme et ma voix qui sonne grave m'ont presque traumatisée. Et puis, l'air sûre de moi, je lui ai expliqué que j'allais prendre mes affaires et rentrer à la maison, loin de lui, loin de nous. Sauf qu'en réalité, je n'étais pas certaine et je ne suis pas encore certaine de ce que j'ai fait la (...)

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